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TRIBUNE

Peut-on peindre Bachar al-Assad ?

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Événementsdossier
par MONIF AJAJ, peintre syrien
publié le 15 juin 2013 à 15h39

Depuis un an, moi, un individu ayant vécu toute sa vie dans une société sous surveillance, je me retrouve dans un espace complètement ouvert. Un espace où l’expression artistique n’a ni limites, ni interdiction de porter atteinte au sacré. Depuis cette date, une interrogation m’obsède au plus haut point : puis-je, moi aussi, profaner le sacré symbolisé par le président et dont l’idée était impensable dans mon pays ? Suis-je prêt à franchir cette limite invisible et peindre un portrait non «réglementaire» de Bachar al-Assad ? Cette idée, banale dans un pays comme la France, est complètement étrangère aux Syriens habitués à voir uniquement une image officielle lissée et formelle de leur président dont ils ont le devoir du culte. J’ai décidé de peindre pour relever ce défi et plus encore pour casser ce sacré qu’on a semé en moi. Le défi est de taille : se débarrasser des murs épais érigés à l’intérieur de chaque Syrien à force de censure et d’interdiction mêlées à une violence aveugle.

Les manifestants en révolte ont eux réussi à se libérer du joug du sacré. Ils ont déchiré les portraits officiels du président et cassé les statues érigées sur les places, à l’entrée des villes et dans toutes les institutions de l’état. Je tente moi aussi de déchirer ces portraits, de casser ces statues qui encombrent mon esprit et de signer fièrement en bas de portraits décomplexés du président. L’impression pourrait être étrange à tous ceux qui sont habitués à voir des caricatures de leur présid