Des «machines désirantes». Les metteurs en scène, réunis pour la seconde table ronde du Forum de Libération à Avignon au titre taillé pour le Goncourt («le territoire de l'imaginaire»), pourraient faire du concept clé que Deleuze développe dans l'Anti-Œdipe leur cause commune. C'est lui que les quatre dramaturges placent au cœur de leur travail. Qu'il soit évoqué avec la symbolique précipitée et rieuse du Congolais Dieudonné Niangouna, avec l'énergie âpre et tendue de Stanislas Nordey et grâce aux audaces entraînées par Myriam Marzouki en Seine-Saint-Denis depuis une dizaine d'années. Ou bien avec la pensée disserte d'un Nicolas Stemann venu d'outre-rhin présenté le temps du festival un Faust tout aussi généreux du verbe, avec plus de 8 heures de représentation.
Le récit des projets différés ou avortés, les incompréhensions persistantes et les soutiens décisifs, le tout dans une égale difficulté à trouver leur voie, laisse entrevoir une géopolitique du théâtre bâtie autour du paradoxe de la territorialité. Si «la faillite de l'Etat» froidement évoquée par Niangouna fait de la vie entre deux continents une condition d'existence de l'artiste africain, le maillage institutionnel français enracine des artistes à la fois acteurs et décideurs sous le couvercle étouffant et vital du théâtre public. Ce qui inspire à Stemann un commentaire délivré d'une ironie polie que l'on peut résumer ainsi : le confort et la liberté de ton du jeune théâtre allemand jalousé par le