Le débat citoyen est une drôle de discipline. Nous voici au premier étage de la médiathèque de la Filature de Mulhouse, installés entre les rayons «Théâtre contemporain» et «Musique», pour un rendez-vous participatif qui tient de l'équilibrisme. Le thème choisi, l'évaluation par les citoyens des politiques publiques, réunit une trentaine de personnes. Des experts, des novices, des bavards, des timides et un animateur chargé de répartir le temps de parole et d'inscrire sur un tableau les mots-clés de la discussion – prise en compte symbolique des interventions.
«Pourquoi toujours réinventer des mots ?»
Premier sujet abordé, la disparition des conseils de quartier et leur remplacement par des conseils citoyens. La réforme ne passionne pas l'assemblée, pressée de changer de sujet. «Il y a d'autres processus que les conseils de quartier, lance une femme. Je me suis déplacée pour participer à une évaluation. Sinon, je n'ai pas ma place ici.» Un brin gêné, l'animateur embraye : «Je ne suis que le relais de votre parole. Nous sommes en train de construire, tout le monde intervient». Le propos rebelle a décomplexé l'assistance. Voilà Bertrand qui lève la main : «J'ai entendu beaucoup d'éléments de langage : co-construction, co-ceci, co-cela… Pourquoi toujours réinventer des mots ?»
La discussion prend alors des chemins de traverse. Le «
co-
» repart, revient. Ça tourne au débat sémantique. On co-décide et on décide,