Vendredi 9 janvier, 17 h 30. Amedy Coulibaly est mort. Le Raid et la BRI viennent de l'abattre au terme d'une prise d'otages sanglante à l'Hyper Cacher de la Porte de Vincennes. L'homme a fait cinq victimes, quatre parmi les clients et une la veille, la policière de Montrouge assassinée froidement. BFM TV déroule en boucle les images de la tuerie. Le visage d'Amedy Coulibaly apparaît, accolé aux mots «jihadiste», «terroriste», «barbare». Plus tard, dans une vidéo posthume, on l'entendra même se revendiquer de l'Etat islamique (EI) et de son calife, Abou-Bakr al-Baghdadi.
«Un enfant comme un autre»
Vendredi 9 janvier, 17 h 30, à 36 kilomètres de là. Un petit groupe se forme au Méridien, une place du quartier de la Grande Borne à Grigny (Essonne). L'appartement de la famille Coulibaly se trouve à quelques pas. Ils sont une petite dizaine, que des hommes. Parmi eux, des connaissances et quelques potes d'enfance de «Doly», surnom qu'Amedy traînait depuis des lustres pour son côté influençable. L'un d'eux, A., tente de décrire l'atmosphère : «On s'est retrouvés parce qu'on pétait les plombs devant la télé. Mais on ne savait pas quoi se dire. Personne ne parlait. Alors, on crachait par terre.» Son regard ne décolle pas du sol. Il pouffe, une fois, deux fois : «Il n'y a pas de mot pour dire ce que l'on a ressenti. Il y avait de la pudeur. Dans les quartiers, on ne montre pas nos sentiments. Il y avait aussi de la rage contre Amedy. Il nous a foutu une putain de honte. On sait qu'à cause de lui, maintenant, on va manger trois fois plus.»
La détresse des amis d'Amedy Coulibaly a peu à peu gagné toute la Grande Borne. Si, géographiquement, l'immeuble où vit la mère du tueur est situé sur la commune de Viry-Châtillon, c'est à Grigny que l'impact est le plus dévastateur. «Dans les jours qui ont suivi, j'ai vu des gens dont le visage était déformé, témoigne un employé municipal. Les habitants sont traumatisés. Ils ne parlent que de ça.»
Durant des années, ils ont vu «Doly» sillonner avec son BMX les immenses pelouses qui entourent les barres aux allures de vaisseaux spatiaux. Un éducateur se souvient : «C'était un enfant comme un autre, plutôt drôle et ouvert. Il avait souvent la morve au nez, faisait des petites conneries.» A la maison, pourtant, la vie semble plus compliquée. Né le 27 février 1982 à Juvisy-sur-Orge (Essonne), Amedy Coulibaly est le septième enfant d'une fratrie de dix. Seul garçon au milieu de neuf sœurs. Son père, Mahamadou, fait peser sur lui de lourdes responsabilités. Parfois, il a la main leste : «Doly avait tout le temps la pression, confie B., un proche de la famille. Son père voulait le préparer pour qu'il devienne le chef de famille. Mais il a été trop brutal. Amedy se faisait souvent traiter de loumbouré ["bon à rien" en dialecte soninké d'Afrique de l'Ouest, ndlr]. Avec ses sœurs aussi, ça a été difficile. Il tentait d'avoir une autorité sur elles mais, en réalité, il a été blessé parce qu'elles ont presque toutes mieux réussi que lui.» En 2010, Coulibaly, entendu dans le cadre de la tentative d'évasion de Smaïn Aït Ali Belkacem, l'artificier des attentats de 1995 à Paris, égrène leur profession : «K. travaille dans une société de communication, M. est professeure de danse, H. est employée de la société Total à la Défense, A. bosse pour Sony à Clichy.»
«Du jour au lendemain, il a basculé»
Encore mineur, Amedy Coulibaly passe un mois en prison pour vol en 1999. Mais, tant bien que mal, il décroche l'année suivante un BEP d'installateur conseil en audiovisuel électronique. Sa scolarité fut cahoteuse mais correcte. L'été, il part en vacances grâce au centre de loisirs. K., un éducateur, l'y accompagne : «J'ai fait de nombreux voyages avec lui, à Cannes, à Nice, à Agde. Il aimait tout ce qu'aiment les ados lambda. Mais un épisode l'a transformé à jamais : la mort de son pote Ali R., descendu de plusieurs balles par un flic. Selon moi, c'est pile à ce moment-là qu'il bascule. Du jour au lendemain, Amedy est devenu grave, dur, silencieux. Il avait perdu son insouciance d'enfant. Lorsque j'ai entendu qu'il s'était mis d'accord avec les frères Kouachi [auteurs de la tuerie de Charlie Hebdo] pour "faire des policiers", j'ai repensé à cette histoire. Il est évident que ça a joué.» Tout comme l'interdiction qui lui avait été faite, lors de l'un de ses premiers passages en prison, de sortir visiter son père mourant.
Septembre 2000 : la Grande Borne s'embrase. Ali R., 19 ans, y est connu comme un petit délinquant impliqué dans de nombreuses affaires de vols et de violences. Le 17, il est tué à Combs-la-Ville (Seine-et-Marne), après un rapt de bécanes qui tourne mal. Au volant d'une fourgonnette Citroën C15 remplie ras-la-gueule, Ali R. tente de se frayer un passage pour esquiver un barrage de police. Au procès, la défense dira que son intention était de fuir. Les flics, eux, affirment qu'Ali R. leur fonçait dessus délibérément. Un gardien de la paix tire. Ali R. est touché au bas-ventre et meurt sur le coup. Damien Brossier, avocat au barreau d'Evry, prend la défense de la famille R. : «Quand on veut arrêter un véhicule, on vise les pneus. Là, il n'y avait aucune légitime défense. On a très vite compris qu'il n'y aurait rien, ni reconstitution sérieuse ni audition des parents. Clairement, il y a eu deux poids, deux mesures.» En 2002, la justice prononce un non-lieu en faveur du policier.
Le jour du drame, Amedy Coulibaly était terré à l'arrière de la fourgonnette conduite par Ali R.. Complice du braquage, il a tout entendu. Des années plus tard, sa compagne Hayat Boumeddiene, 26 ans, ayant fui le 8 janvier en Syrie, racontera aux policiers : «Je lui ai déjà posé la question "qui est ton meilleur ami ?" Il m'a répondu qu'il n'en avait pas. Il m'a expliqué que dans sa jeunesse, il avait un ami, Ali, que c'était le seul mec qu'il appréciait, et que depuis il n'a pas de meilleur ami.»
Le contrecoup est terrible, mais Coulibaly ne se calme pas. Après l'affaire R., il refait de la prison. «Sa motivation, à l'époque, c'était l'argent», analyse Damien Brossier, qui devient son conseiller après le braquage d'un magasin de sport d'Evry. «Dans leur fuite, avec ses complices, ils font une fausse manœuvre», raconte l'avocat. Le véhicule s'écrase en contrebas d'un pont. Coulibaly est blessé mais parvient à s'en extraire, avant de prendre la fuite… et de filer en cours au lycée. «Il avait de l'audace, du courage, des gens qui l'aimaient bien. Pourquoi n'a-t-il pas choisi la voie de la voyoucratie ? Il avait tout pour réussir»,assure Me Brossier.
Ce sillon, Coulibaly le creuse pourtant quelques années. Il écope même de six années d'emprisonnement après le braquage à main armée d'une agence de la BNP à Orléans (25 000 euros amassés), suivi dans la foulée par un double casse à Paris. Ses multiples séjours en détention ne semblent pas l'affecter plus que cela. «Il était souriant, pas désagréable de contact, mais il ne parlait pas beaucoup, explique Damien Brossier. Il ne donnait pas dans l'émotion, on avait l'impression que tout coulait sur lui. Il avait une espèce d'indifférence vis-à-vis de ce qui lui arrivait. Il ne se lamentait pas sur lui-même, ne se plaignait pas de la prison.» L'avocat est d'ailleurs «agréablement surpris» quand Coulibaly reprend contact avec lui, en 2008, en se pointant à son cabinet pour lui parler du film qu'il a tourné en détention à Fleury-Mérogis. Un moyen métrage monté par son ami Omar Dawson, fondateur du blog Grigny-Wood, et pour lequel une subvention de la politique de la ville a été allouée (1). «Je me suis dit que je l'avais sousestimé, et qu'il était plus intéressant que ce que je pensais, avec une réflexion militante sur la vie en prison», poursuit Me Brossier.
«Les terroristes, je les connais tous»
Délinquant de droit commun, contempteur des conditions carcérales, Coulibaly commence à cette époque à frayer avec des islamistes. Le plus virulent s'appelle Djamel Beghal, condamné à dix ans de prison pour avoir projeté un attentat en 2001 contre l'ambassade des Etats-Unis à Paris. Du 31 janvier au 25 août 2005, dates de sa première incarcération à Fleury, Coulibaly s'abreuve des théories radicales du charismatique Beghal. Une période durant laquelle il fait également la connaissance de Chérif Kouachi, condamné pour sa participation à la filière des jihadistes du XIXe arrondissement parisien. Placé à l'isolement, pour l'empêcher de tout prosélytisme auprès des autres détenus musulmans, Beghal ne peut en théorie parler à personne. Sauf que Coulibaly occupe la cellule juste en dessous de la sienne. Les deux hommes dialoguent par les fenêtres, ce que Coulibaly raconte d'ailleurs aux enquêteurs qui l'interrogent en 2010. «Quand j'étais en détention avec [Beghal], c'était en 2005, j'étais dans une aile et lui se trouvait avec les isolés. Je parlais avec les isolés et, petit à petit, on s'est liés d'amitié. Je suis resté un certain temps en cellule au-dessous de lui.» A en croire Coulibaly, sa relation avec Beghal n'a pas de fondement religieux. «C'est parce qu'humainement, c'est une personne qui m'a touché», qui «m'a fait pitié», dit-il aux policiers.
Djamel Beghal n'est pas le seul prêcheur qu'il a fréquenté. «Si vous voulez que je vous dise tous les terroristes que je connais, vous n'avez pas fini. Je les connais tous : ceux des filières tchétchènes, des filières afghanes…» Il fanfaronne encore devant les policiers qui l'interrogent : «Aujourd'hui, mon nom en prison dépasse les frontières.» Mais lors des interrogatoires de 2010, Coulibaly certifie être passé à autre chose. «Ce n'est pas parce que je les connais tous que cela fait de moi un terroriste», affirme-t-il. Et d'assurer que «tout ça, c'était en 2005 […]. Depuis, j'ai fait un virage à 180 degrés. Je me suis rangé, car je ne veux pas finir avec une balle dans la tête. C'est ce qui pend au nez de tous ceux qui ne savent pas s'arrêter.»
Un musulman «pas très sérieux»
Pourtant, entre 2009 et 2010, Coulibaly avance sur une brèche, entre basculement religieux radical et envie affichée - en tout cas aux policiers - de se ranger, voire de mener une vie de couple «classique». Coulibaly, qui se dit «musulman pratiquant», est opérateur chez Coca-Cola, une entreprise de «mécréants». «Il y a une différence entre ce que je fais et ce que je pense, reconnaît-il. Et dans ce cas-ci, je pense avant tout à ma poire : je travaille, je gagne entre 2 000 et 2 200 euros par mois, le travail est tranquille et c'est très bien comme cela.» Le jeune homme joue au poker sur Internet, ne maîtrise pas l'arabe. Sa connaissance de l'islam est toute relative. «J'essaie d'avancer avec la religion mais je vais doucement», confie-t-il aux policiers. Les dissensions avec les chiites ? «Je ne sais rien. Je ne me casse pas la tête avec cela, c'est de la perte de temps.» La charia ? «Je m'en fous […]. Je pense que tout doit évoluer, y compris la charia.» A ses yeux, Al-Qaeda au Maghreb islamique (Aqmi), «c'est comme les Farc en Colombie : c'est du banditisme chez les musulmans». Quant aux attentats, il dit que «cela ne fait pas avancer les choses». Coulibaly n'imagine pas plus se rendre en zone pakistano-afghane : «Pourquoi je quitterais mon havre de paix pour aller à la guerre ?» Baratine-t-il les flics pour se débarrasser de cette«réputation» qui lui «colle à la peau» ? Pour brouiller les pistes ?
Sa compagne, Hayat Boumeddiene, rencontrée en 2007 et avec laquelle il s'est marié religieusement le 5 juillet 2009, ne le trouve en tout cas pas «très sérieux» dans sa pratique religieuse. «Il aime bien s'amuser tout ça, il travaille chez Coca-Cola, il n'est pas du genre à se balader tout le temps en kamis, la tenue traditionnelle musulmane masculine», raconte-t-elle aux enquêteurs en 2010. Parfois, le couple s'engueule. Comme ce 22 mars de la même année, lors d'une discussion téléphonique interceptée, au cours de laquelle Hayat s'inquiète des desseins de son concubin : «Ça fait même pas un an que t'es marié, rien du tout, et tu veux déjà une deuxième femme […].» Ce projet n'a a priori pas grand-chose à voir avec la religion. «Amedy Coulibaly, c'est un gars qui aimait s'amuser, estime un homme qui l'a fréquenté. Hayat, il l'a connue en maillot de bain, et elle est devenue beaucoup plus rigoriste, donc moins amusante.» Le Coulibaly adepte de muscu et de séjours au soleil (Crète, Malaisie, République dominicaine) a-t-il été troublé par l'engagement religieux de sa compagne ? En 2009, Hayat Boumeddiene décide de porter le voile intégral. Elle quitte son emploi de caissière chez Boulanger. Fini, les vacances en bikini à la plage.
Sur le chemin de la radicalisation
Si les onze interrogatoires subis du 18 au 21 mai 2010 semblent indiquer que «Doly» ne baigne pas encore dans l'islam le plus fondamentaliste, certains faits prouvent qu'il est bien sur le chemin de la radicalisation. Au cours des mois précédents, il a rendu régulièrement visite à son mentor, Beghal, assigné à résidence dans le Cantal. Le duo fait de la randonnée, discute «montagne, cerfs» et faune sauvage. Et s'entraîne au maniement des armes. Toujours dans le cadre de l'enquête sur le projet d'évasion de Belkacem, les policiers s'intéressent notamment à une conversation du 6 mai 2010 entre Beghal et Coulibaly. «Doly» s'inquiète auprès de celui qu'il présente «un peu comme son grand frère» : «Tu sais, quand on dit que quand tu décèdes il faut pas laisser des dettes…» Etrange demande de la part d'un «homme jeune et en pleine santé», observent les flics. Coulibaly aurait-il pour projet de mourir en martyr ? Quarante minutes plus tard, toujours au téléphone, le Grignois s'en prend aux membres de sa famille et à leurs «actes de kouffars [«infidèles»]». «Moi, c'est la religion la première, j'en ai rien à foutre de la famille», s'énerve-t-il, déplorant que ses sœurs n'apprennent pas à faire la prière à leurs enfants et leur inculquent «la mécréance».
En réalité, plus que son engagement religieux, c'est le passé de bandit de Coulibaly qui présente un intérêt de taille pour Belkacem et Beghal. Il est «fiable et déterminé», salue le premier. Surtout, il est en possession de «tout ce dont ils avaient besoin». Autrement dit, des armes. «Le passé de braqueur de Coulibaly est fondamental pour ces gens, témoigne un proche du dossier. C'est un homme qui sait fournir de l'armement rapidement, et pour pas cher.» Un savoir-faire que «Doly» saura mettre à profit. Après la prise d'otages sanglante Porte de Vincennes, les policiers retrouveront dans une planque présumée un impressionnant arsenal.
«On l’a programmé pour tuer»
Condamné à cinq ans de prison dans le dossier du projet d'évasion de Belkacem, Coulibaly est emprisonné de 2010 à 2014 à Villepinte (Seine-Saint-Denis), bâtiment B2W. «W» veut dire ouest. Libération a pu recueillir le témoignage d'un détenu l'ayant longuement côtoyé. Selon lui, le jihadiste affichait sa radicalité sans fard avec ses coreligionnaires mais était d'une discrétion d'or avec le personnel encadrant : «Il était calme et respectueux de l'administration pénitentiaire. En revanche, il mettait un peu de distance avec les autres détenus, c'est-à-dire les non-musulmans. C'était quelqu'un de plutôt intelligent. Il a travaillé à la buanderie de la maison d'arrêt. On la surnommait "la secte" en raison des discussions qui s'y déroulaient et qui concernaient essentiellement la religion musulmane. Un vrai prosélytisme y régnait, à tel point que les détenus qui n'étaient pas pieux étaient ostracisés et demandaient à quitter leurs postes, explique-t-il. Dans la prison et surtout dans la cour de promenade, Coulibaly était très respecté. Je ne sais pas pourquoi, j'ai été plutôt étonné de le voir prendre les armes en France. A vrai dire, je l'aurais davantage vu partir faire le jihad à l'étranger ou devenir imam en région parisienne.»
Régis Crosnier, formateur à la prison de Villepinte narre, lui, une expérience tout à fait différente. La dichotomie en est d'ailleurs ahurissante : «J'ai vu Amedy Coulibaly tous les jours pendant près de deux mois. Il a suivi un cursus de vendeur polyvalent et n'a rien laissé transparaître. Aux entretiens, il a toujours adopté l'attitude de quelqu'un voulant réussir sa réinsertion.» L'avocate Marie-Alix Canu-Bernard, qui le défend depuis 2002, fait le même constat : «La radicalisation et l'extrémisme religieux, je ne les ai pas vus chez lui. Pourtant, vous imaginez bien que cette discussion-là, on l'a eue mille fois, surtout dans des dossiers de terrorisme comme celui de Belkacem.»
A sa libération, le 4 mars 2014, Coulibaly refait quelques apparitions à Grigny. B. le croise à la Grande Borne. Il blague sur son physique de titan : «Il avait fait tellement de gonflette en taule qu'il était monstrueux. Déjà qu'il était bon en boxe thaï…» Rapidement, les banalités du quotidien reprennent le dessus. Coulibaly fait part de son intention de trouver un travail rapidement. «C'était comme si rien n'avait changé, décrit B.. C'était toujours le même zoulou. A une différence près : la taule l'avait rendu plus fort mais ses réflexions étaient plus floues. Je crois qu'à la fin, c'était vraiment un sacré bordel dans sa tête.» K., l'éducateur des premières vacances, en a gros sur la patate. Il en veut «au pouvoir politique et à la justice de n'avoir pas su associer à la dérive d'Amedy tous ceux qui auraient pu l'aider. Par exemple, à Grigny, il existe un contrat local de sécurité (CLS). Si les flics nous avaient prévenus, nous, ses amis, sa famille, serions allés le voir». A la Grande Borne, si tous reconnaissent la terreur et le sang des attentats, ils parlent de Coulibaly comme d'une victime. Sa trajectoire serait celle d'un enfant qui a grandi trop vite, qui n'a rencontré ni les hommes ni les livres qu'il fallait. Qui a passé plus de la moitié de sa vie d'adulte derrière les barreaux. K. serre le poing : «Amedy, on nous l'a pris. On l'a programmé pour tuer en jouant délibérément de ses blessures intimes et de celles des quartiers populaires. Ici, on est "pas Charlie" pas par plaisir mais par obligation. Le Prophète, c'est la dernière chose qu'il nous reste. Pour le défendre, il a cru bon de prendre une kalachnikov. Il était déjà dans l'au-delà.»
(1) Sollicité à de nombreuses reprises par Libération à partir du 14 janvier jusqu'au 27 janvier, Omar Dawson n'avait pas donné suite à nos demandes. Après la publication de cet article, il a pris contact pour se défendre d'être un «ami personnel» d'Amedy Coulibaly, qu'il qualifie de «connaissance». Il affirme en outre être fondateur de l'association Grigny Wood, mais pas du blog éponyme. Il précise que l'association a bien reçu une subvention de la politique de la ville, mais que celle-ci n'a pas servi à financer le moyen métrage tourné en détention à Fleury-Mérogis, notamment par Coulibaly, et monté par Dawson.