Christian Dufour, sociologue et chercheur au Centre de recherche interuniversitaire sur la mondialisation et le travail (CRIMT), sera aux Rencontres du dialogue social des 3 et 4 février. Il participera au débat «
Le dialogue social, quelle histoire ?
» mardi de 9h30 à 11h.
Entrée gratuite sur inscription
Quelque 30 000 comités d’entreprise (CE) équipent les entreprises françaises. Figures de proue des relations sociales à la française, ils n’ont pratiquement pas de droit de négociation. Equipés de droits forts en matière d’expertise économique et technique dans les entreprises, peu d’entre eux en font usage. Fondements de la représentativité syndicale depuis 2008, la moitié d’entre eux ne sont pas syndiqués.
Contradictions. En 1945, dans la dynamique du Conseil National de la Résistance, ils se voient octroyer la tâche immodeste de «déféodaliser l'économie». A ce titre, ils récupèrent les œuvres sociales, les patronages des employeurs, ce qui leur attire le qualificatif de comités patates. Ils obtiennent un droit d'investigation économique, ce qui nourrit le soupçon d'outils de la collaboration de classe. Méfiant, le patronat parvient à en faire une institution paritaire présidée par l'employeur et les syndicats obtiennent une priorité de présentation des candidats. Cette accumulation de contradictions fait obstacle à leur développement. On en décompte environ 7 000 en 1965. La seule recherche qui les concerne conclue alors à leur marginalité (Montuclard, CNRS).
Au cours des années 1970 et 1980, une impulsion nouvelle leur est donnée dans la crise. Ils reçoivent des droits en matière de formation professionnelle, d’emploi, d’expertises étendues. Les lois Auroux symbolisent la transformation de leur rôle à partir de 1982. Dans le même temps, le syndicalisme perd des adhérents et les CE des volontaires ; les grèves dans le secteur privé se font rares, l’emploi occupe durablement l’avant-scène ; les CE deviennent les cénacles de l’échange social. Les activités sociales et culturelles continuent cependant à les identifier devant les salariés-électeurs. Leurs nombreuses tâches plus expertes (de la santé à la formation en passant par l’économie et l’habitat) sont moins connues sinon moins appréciées.
Vocations ? Distincts des délégués du personnel (DP) à leur création, les CE sont insérés dans un réseau complexe d'institutions représentatives du personnel (IRP) : DP, CHS-CT, CCE, comités de groupe ou européens, DU, DS, DSC. Chaque CE reste néanmoins une entité originale, portée par un salariat aussi spécifique que son contexte économique. Tous s'interrogent pourtant sur leurs rôles et leur pérennité. Les vocations d'élu-e-s se font rares, les tâches sont plus ardues, les résultats moins évidents, les centres de décision s'éloignent. Leur nombre a commencé à se réduire, souvent par défaut de candidatures. Cette tendance s'accompagne d'une progression des abstentions lors des élections. Si cela se confirmait, la mesure de la représentativité syndicale qu'ils supportent désormais en serait affectée. Un changement de nom ne suffira pas à consolider une institution surchargée qui s'étiole faute de militants.