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Libération
TRIBUNE

La cogestion syndicale à la frontière franco-allemande

Le dialogue social européen est important car la concurrence entre sites de production ne doit pas se faire unilatéralement au détriment des travailleurs.
par Eugen Roth, (président du DGB de la Sarre)
publié le 30 janvier 2015 à 15h15

Il participera au débat «Comment négocient nos voisins européens ?», mercredi de 11h à 12h30. Entrée gratuite sur inscription.

Le fait que la Sarre ait changé cinq fois de nationalité durant le siècle passé – deux fois française, trois fois allemande – nous a permis d’acquérir des expériences interculturelles dans le domaine de la cogestion au sein des entreprises. En 2015, pas moins de 18 000 frontaliers de l’hexagone travaillent dans la Sarre. Les Français membres, voire présidents, de comités d’entreprise ne sont pas des cas isolés. La cogestion paritaire la plus poussée au monde, introduite après la 2e Guerre mondiale par les alliés (dont la France), aura été une expérience positive pour nous. Ce fut le cas dans l’industrie de l’acier, mais aussi celle du charbon.

Cogestion paritaire. Dans l'industrie de l'acier, cette pratique est restée en vigueur. Elle a même permis de préserver nos emplois dans les aciéries de la Sarre qui ont appartenu successivement au producteur sidérurgique français Usinor-Sacilor, au luxembourgeois Arbed, à Aceralia, avant de passer sous le giron d'Arcelor. Le secteur de l'acier sarrois pratique la cogestion paritaire. Il bénéficie à ce titre d'un dialogue social garanti par la loi, non seulement pour les besoins pratiques des travailleurs, mais également pour la direction de l'entreprise. Cela a engendré des expériences positives dans la Sarre et permis d'assurer l'avenir de 12 000 emplois au total.

Le dialogue social est important car la concurrence entre sites de production ne doit pas se faire au détriment des travailleurs. C’est là qu’intervient la cogestion européenne, ainsi que les comités d’entreprise européens (CEE), issus d’une directive de l’UE sur les comités d’entreprise, dans sa version révisée de 2009. Dans ce domaine, nous avons également acquis des expériences chez Villeroy&Boch, Michelin ou encore Saargummi, et ce modèle du dialogue social, d’origine allemande, a eu des effets positifs, y compris sur la direction d’entreprise.

Frontières. Bien entendu, le modèle recèle aussi des risques, avec quelques exemples négatifs. Les frontières du corporatisme sont floues : on est automatiquement amené à côtoyer de très près l'employeur, l'entrepreneur et sa manière de penser. On devient ainsi co-directeur. Et c'est pourquoi les membres des comités d'entreprise doivent non seulement être très bien formés, mais disposer également d'un caractère bien trempé.

Nous sommes jusqu'à présent l'unique région d'Europe à avoir organisé un dialogue interrégional transfrontalier des comités d'entreprise et des Betriebsräte. Il s'agit des «Conférences de Remich», organisées le 15 juin 2015 pour la 4e fois depuis 2011 dans la ville frontière luxembourgeoise de Remich. Nous y échangeons des expériences concrètes tout en développant notre réseau, et en respectant pleinement nos différentes cultures en matière de cogestion. C'est en commun que nous intervenons comme lobbyistes pour l'amélioration de la directive sur les comités d'entreprise et un ancrage encore plus profond des droits de participation.

Traduction : Barbara Böhme

(1) : DGB : principale confédération syndicale allemande