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Libération
TRIBUNE

«Les problèmes de terrorisme ne peuvent être traités exclusivement au niveau national»

Ancien de la DGSE, Alain Juillet met en avant la nécessité de coopérations multiples pour lutter contre le terrorisme.
L'armée tchadienne lors d'opérations contre les jihadistes d'Aqmi et du Mujao au Mali en 2013. (Photo Patrick Robert)
par Alain Juillet, ancien directeur du renseignement à la DGSE
publié le 15 septembre 2015 à 15h38

Alain Juillet (photo DR) participera au débat «Le défi terroriste, quelle coopération à l'échelle du territoire ?» vendredi 9 octobre de 17 heures à 18h30 au centre de conférences du stade de l'Amitié de Libreville. Inscription gratuite.

«Le terrorisme apparaît dans des Etats dont les structures gouvernementales ne fonctionnent pas ou mal. Pourtant, la complexité et la diversité des situations ne permettent pas de créer un modèle explicatif fiable. Certains voient son origine dans la situation politique, d’autres dans la dégradation des activités socio-économiques, certains enfin dans la pauvreté. Pour être complet, il faut ajouter qu’il peut être ethnique, criminel, politique, idéologique ou religieux.

«Un Etat qui ne contrôle plus ses frontières et son territoire peut devenir un sanctuaire pour des groupes criminels, un espace de transit des trafics ou une base arrière d’organisations terroristes. Nous en avons la démonstration au Sahel où ces groupes circulent de la Mauritanie au Soudan en s’appuyant sur une base arrière au Fezzan, dans le sud libyen, et un armement récupéré localement.

«En Afrique subsaharienne les organisations criminelles s’imposent comme les principaux acteurs dans les zones qu’elles contrôlent. Les mouvements de personnes (migration, circulation) sont contrôlés et les produits licites ou illicites (cigarettes, drogues, armes) sont taxés et font l’objet de troc. S’y ajoutent les financements illicites et des pratiques de blanchiment sans oublier les échanges avec d’autres groupes terroristes ou criminels.

«Le défi terroriste est énorme. Dans un pays qui le subit, il faut assurer la stabilité de la gouvernance pour permettre la sécurité et la relance du développement. La prévention du terrorisme repose sur une action politique, économique et sociale pour satisfaire les besoins essentiels et les revendications légitimes. Mais ceci exige du temps et des moyens financiers.

«Les problèmes de terrorisme ne peuvent être traités exclusivement au niveau national. Ils impliquent une coopération internationale commençant par les pays limitrophes. Les Etats, les organisations sous-régionales et l’Union africaine sont là pour répondre. Ils ne doivent pas hésiter à se faire aider dans tous les domaines car leur réussite aura un impact international. La mise en place, depuis 2013, d’une stratégie régionale contre la piraterie par les communautés économiques des Etats de l’Afrique de l’ouest et de l’Afrique centrale ou la coalition régionale contre Boko Haram, montrent que c’est possible. Mais ceci implique des efforts budgétaires importants pour réformer les systèmes de sécurité et développer des forces africaines de maintien de la paix.

«La croissance des organisations terroristes devenant un problème majeur pour les autorités africaines, il faut se coaliser dans l’urgence. Mais l’efficacité dans la durée passera par une dynamique de standardisation des méthodes et des outils. Face au défi terroriste que l’Afrique doit gagner, il faut surtout du volontarisme et une mobilisation des compétences.»