C'est sans doute le désir romantique le mieux partagé par tous ceux qui chez nous n'ont plus vingt ans depuis longtemps : avoir vingt ans ! Mais qui d'entre eux rêverait d'avoir vingt ans... en Afrique ? Qui considérerait cette perspective comme désirable ? Certainement pas ceux qui observent, comme le fait Jean-Jacques Konadje dans la revue géopolitique de Diploweb.com, que «la jeunesse africaine est dans son ensemble et dans une certaine mesure, logée à la même enseigne : chômage, violence, désespoir, oisiveté, précarité, aventure, illusion, analphabétisme, illettrisme et sous-éducation».
Le discours sur la jeunesse africaine est d’une manière générale pessimiste, alarmiste, voire décliniste. Comment en serait-il autrement ? Comment ne pas être pessimiste en constatant que 72 % des jeunes Africains vivent avec moins de 2 dollars (USD) par jour et que le taux de chômage moyen des jeunes approche les 30 %. Comment ne pas être alarmiste en observant que dans les pays les plus pauvres d’Afrique, la plupart des jeunes travaillent, mais en sous-emploi, dans une économie informelle et dépourvue de protection, tout en souffrant de sous-rémunérations criantes et que, si dans les pays plus riches, davantage de jeunes ont le privilège d’étudier, ceux qui restent sans emploi sont plus nombreux que ceux qui travaillent. Comment ne serait-on pas tenté par le déclinisme devant un taux moyen de chômage des étudiants à la sortie de l’université multiplié par dix au cours des 25 dernières années ?
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Les causes essentielles de ces maux sont connues et semblent immuables : insuffisance de la demande de travailleurs jeunes, inadéquation des formations scolaires et supérieures avec le marché du travail, transition démographique non maîtrisée, crises et conflits dévastateurs des structures économiques et sociales.
Pourtant, avoir vingt ans en Afrique, c'est se situer en pleine médiane d'une population de 200 millions de jeunes. L'Afrique a la population la plus jeune au monde. Selon le rapport Perspectives économiques en Afrique de 2012, ce chiffre devrait doubler d'ici à 2045. Il se rapprocherait ainsi de la population actuelle de l'Union européenne qui compte un peu plus de 500 millions d'habitants ! Quelle richesse !
Alors, lorsqu’on a vingt ans en Afrique, on doit pouvoir rêver. Car la situation n’est pas complètement sombre : les jeunes d’Afrique sont dotés de beaucoup d’énergie, de créativité et de talents. Ils sont ainsi en mesure d’engendrer la prospérité future. Après avoir vécu de nombreuses éditions d’Afrique en Créations avec de jeunes artistes brillants, j’ai eu la sensation, lors du dernier Sommet de la Francophonie à Dakar, d’apercevoir à nouveau un bout de l’avenir des jeunes Africains. J’ai vu des jeunes étudiants présenter des prototypes d’ordinateurs de leur invention, logés dans de simples bonbonnes de plastique ainsi que des imprimantes 3D conçues avec du matériel de fortune, pour des coûts de moins de 100 dollars. J’ai vu des jeunes assembler des tablettes et des ordinateurs pour moins de 80 dollars. On m’a présenté par la suite des systèmes pendulaires fabriqués par de jeunes Africains pour 15 dollars et qui produisent assez d’électricité, gratuite, pour charger des portables et des tablettes n’importe où et à longueur d’année. Oui, j’ai rencontré une jeunesse africaine inventive, brillante et dynamique. Ils sont la plus grande richesse de l’Afrique. Cette Afrique de vingt ans est immensément riche !
Mais que faire pour que cette richesse ne soit pas qu’un concept et devienne une réalité ? Quelles mesures faudrait-il prendre, au niveau des gouvernements, des bailleurs du développement, des entreprises du privé ? C’est à ces questions que notre table ronde devra se confronter. Pour donner aux jeunes de vingt ans en Afrique de bonnes raisons de rêver !
Daniel Schlosser participera au débat "Avoir 20 ans en Afrique" le samedi 10 octobre 2015 de 11h à 12h30 au centre de conférence du stade de l'Amitié de Libreville. Inscriptions gratuite.