Pourquoi, selon vous, retrouve-t-on autant d’entreprises sociales autour de l’agglomération bordelaise ?
Il y a une sorte de foisonnement général à Bordeaux parce que c’est la ville de France la plus attractive après Paris. Il y a une population nouvelle qui vient d’arriver. Ces six dernières années on a compté près de 70 000 nouveaux arrivants. On a des gens qui viennent à Bordeaux parce qu’ils l’ont choisi, qu’ils ont envie de s’engager et de produire des initiatives. Tout cela se traduit dans l’économie sociale et solidaire (ESS) mais aussi dans beaucoup d’autres types d’activités. Il y a aussi une conscience écologique qui est importante. Elle ne s’exprime pas forcément de manière classique, mais nous avons un ensemble de réseaux et il se trouve qu’il y a de très nombreux entrepreneurs qui ont une conscience écologique et sociale qui est déjà présente depuis plusieurs années.
La municipalité, le département et même la région poussent dans ce sens ?
Oui, des collectivités qui fonctionnent bien ensemble c’est aussi une des caractéristiques de Bordeaux. Elles essaient de favoriser ces entrepreneurs qui développent des projets sociaux ou écologiques. Il s’agit moins d’un soutien financier car nous ne sommes pas très forts dans ce domaine, que d’une écoute et d’une capacité à faire se rencontrer des gens qui ont chacun des solutions pour développer l’économie sociale et solidaire.
A l’échelle nationale vous pensez que l’Etat fait aussi sa part ?
La France est plutôt à la traîne car il ne faut pas voir l’économie sociale et solidaire comme quelque chose de dogmatique. Le pire danger, c’est de cloisonner l’ESS et l’économie traditionnelle, l’agriculture bio et l’agriculture raisonnée. Si on met trop de normes, si on impose trop de réglementation, il y a des gens qui potentiellement seraient intéressés par l’ESS et qui, peut-être, finiraient par avoir peur de se lancer. Il faut favoriser une pédagogie active, accompagner les initiatives, peut-être pas en les appelant économie sociale et solidaire dès le commencement du projet mais en essayant de construire des chemins qui mènent vers l’ESS. Trop de réglementation pourrait à terme détruire l’économie sociale et solidaire et tuer les initiatives en particulier celles qui ne porteraient pas le «bon nom», qui n’auraient pas le «bon statut». Il y a plein de citoyens, plein d’entrepreneurs qui ont envie de faire des choses et qui ne prétendent pas forcément que ce sera dans le code de l’économie sociale et solidaire mais qui naturellement, dans leur projet d’entreprise, font des choses qui sont en harmonie avec les questions sociales et écologiques.
Alors pour faire vivre l’économie sociale et solidaire, il faudrait ne pas la nommer ?
Je n’irai pas jusque là. Il faut juste favoriser la pédagogie, les mouvements d’éducation populaire et créer un écosystème qui permette à des gens de faire émerger des initiatives.
Et tout cela se joue plutôt au niveau local ou au niveau national ?
L’un ne va pas sans l’autre mais quand on est dans une mairie, on reçoit les gens et notre capacité à les mettre en relation avec des financeurs et leur permettre d’expérimenter sur notre territoire le champ des possibles favorise la création de projets originaux.