Tribune. Si la gouvernance climatique a été jusqu'ici dans l'impasse, ce n'est pas parce que nous n'arrivons pas à gouverner le climat, mais à cause surtout de notre incapacité à gouverner les sociétés humaines. Le climat a trop longtemps été traité comme un problème seulement environnemental, alors qu'il cristallise des enjeux géopolitiques et économiques conflictuels que l'on jugeait préférable d'ignorer, plutôt que de les identifier et tenter d'y faire face. Aujourd'hui, nous prenons conscience que répondre au changement climatique est aussi d'un enjeu de civilisation : imaginer, désirer, bâtir des sociétés qui ne soient plus fondées sur l'exploitation des énergies fossiles.
[ Retrouvez le programme du forum COP21, la société civile s'engage pour le climat ]
La grande transformation nécessaire pour y arriver ne se fera pas ni en un jour, ni en catimini. On comprend qu’il faille au moins en débattre et la nommer ! Car il ne s’agit pas de construire quelques éoliennes en plus ou quelques centrales en moins, et recycler quelques déchets. Cela concerne autre chose que seulement l’énergie. Il faut repenser nos modes de production et de consommation, repenser les rapports Nord-Sud, inventer d’autres chemins de développement, réduire les vulnérabilités… Bref, faire preuve d’innovation économique, écologique, et surtout sociale et culturelle.
Ne rêvons pas : l’accord de décembre ne peut être à la fois contraignant ET ambitieux, à la hauteur de ce défi, car la plupart des gouvernements (et sans doute des sociétés civiles) n’y sont pas prêts. Ils n’envisagent pas de se lier les mains pour plusieurs décennies et leurs engagements restent timorés. Certes, on a commencé à changer de paradigme, mais sans avoir encore si on ne substitue pas au soi-disant «partage du fardeau» précédent, une simple addition des égoïsmes nationaux.
Pourtant si la COP 21 fait retentir l’idée que le problème climatique traverse toutes les questions, qu’il ne peut plus rester enclavé sur l’échiquier mondial, séparé des autres instances de gouvernance internationale qui font la mondialisation économique et financière, et prennent chaque jour ailleurs des décisions contraires aux politiques climatiques souhaitables, si l’accord esquisse les modalités de révisions régulières des engagements et leur vérification, si l’objectif ultime dans son ampleur est entraperçu, alors la COP 21 pourrait être un «Momentum» historique, qui mette vraiment la question climatique sur de meilleurs rails et restimule les efforts concrets et les imaginaires.