Tribune. Du 26 au 31 mai dernier au théâtre de Nanterre-Amandiers, deux cents étudiants venus du monde entier se sont réunis pour simuler et réinventer les négociations climatiques en amont de la COP21. L'objectif fixé initialement était de trouver un accord sur une vision du monde futur cohérente avec la limite des 2°C et d'élaborer des trajectoires de développement pour y parvenir.
Si vous étiez présents au «théâtre des négociations», vous n’avez probablement pas eu l’impression d’assister à une simulation de négociations climatiques. Elle ressemblait d’avantage à un sommet sur le développement durable traitant de problématiques plus larges. Notre parti pris était qu’au-delà de l’atténuation et de l’adaptation, le changement climatique appelle à repenser totalement notre vision du monde présent et futur. Il fallait repenser nos modes d’occupation des territoires qui composent ce monde : quels modes de vies, de gouvernance, quels rapports avec les écosystèmes dans une économie décarbonée ?
[ Retrouvez le programme du forum COP21, la société civile s'engage pour le climat ]
Paris Climat 2015 : Make It Work porte philosophie politique et négociations climatiques au cœur d'une réflexion pédagogique et expérimentale sur les territoires. Des acteurs non-humains étaient arbitrairement représentés sur un pied d'égalité avec les Etats, créant de nombreuses discordes et frustrations parmi les délégués. Les forêts, les sols, les espèces en danger ou encore les océans répondent à une définition cosmologique du territoire, à savoir ne respectant pas les frontières physiques traditionnelles entre Etats.
Leurs représentants étudiants pouvaient à voix haute dénoncer une violation par une autre délégation des limites de leur territoire, pensées comme l’ensemble des conditions permettant la survie au long terme de ses occupants. Ces conditions pouvaient être exprimées par des métriques scientifiques, à l’image de l’argumentaire persistant de la délégation des océans pour maintenir l’acidification à un seuil de pH compatible avec la vie marine.
Malgré des difficultés dues à la technicité de ces débats entre territoires interconnectés, la volonté de produire un résultat innovant a conduit les participants à s’approprier une quantité impressionnante de concepts qu’ils ont mobilisés avec une passion qui a conduit la plupart d’entre eux à négocier toute la nuit. Il s’agissait d’une expérience émotionnelle et spirituelle qui conduisait à des moments de réflexivité intenses : certains délégués négociaient, analysaient leur parcours émotionnel simultanément, et cartographiaient leurs accords et désaccords sur les murs du théâtre.
Ces négociations n’avaient pas besoin d’être réalistes pour nous en apprendre beaucoup sur les questionnements que nous devons nous poser et sur les engagements qui sont attendus de nous pour agir de façon efficace et cohérente face au changement climatique. Par ce type de «simul-actions» innovantes et par les initiatives concrètes qu’elles engendrent, les jeunes demandent désormais à être considérés non plus comme une génération future, mais comme de vrais acteurs d’un monde qu’ils sont déjà en train de façonner. «Together, we can Make It Work !»