Tribune. La lutte contre les dérèglements climatiques souffre d'un sérieux déficit d'intérêt au sein de la société civile. Le réchauffement des températures, la disparition de la biodiversité, l'élévation du niveau des mers, etc., sont souvent taxés de préoccupations élitistes, de causes secondaires qui n'ont pas leur place sur la liste des priorités politiques.
Le climat serait donc un problème de riches ? Les faits s’accordent pourtant à prouver le contraire. Qui pâtit le plus de l’augmentation de la hausse du coût de l’énergie ? Des nuisances sonores autoroutières ? Des épisodes de canicules ? Une étude statistique de 2012 sur la justice spatiale en France révèle une corrélation positive entre les lieux d’implantation des incinérateurs à déchets très polluants et le pourcentage de population étrangère d’une ville ; l’ouragan Katrina qui a frappé la Nouvelle-Orléans en 2005 a montré de manière frappante la surexposition des classes sociales défavorisées aux conséquences des catastrophes naturelles.
[ Retrouvez le programme du forum COP21, la société civile s'engage pour le climat ]
La hiérarchisation des causes nous dessert collectivement. Cessons de parler «d’agir pour la planète», et replaçons l’humain au centre du discours sur la lutte contre le changement climatique. Car agir pour le climat, c’est avant tout agir pour soi-même et pour les autres. Les bénéfices de la transition écologique sont multiples, pour les territoires, mais aussi et surtout pour les populations qui y vivent. L’adhésion des citoyens aux stratégies-climat ne serait-elle pas démultipliée si l’on présentait la réduction des émissions de gaz à effet de serre comme le «bénéfice collatéral» d’un projet de coopération ou d’insertion professionnelle, plutôt que comme une fin en soi ?
La création de transports en commun permet certes de limiter la pollution de l’air, mais c’est aussi l’opportunité de désenclaver des territoires, réduire les nuisances sonores, dynamiser l’économie locale, lutter contre l’isolement de ceux qui ne peuvent ni payer un loyer en ville, ni s’offrir une voiture.
La réintroduction de la nature en ville joue un rôle sur l’écoulement des eaux et la protection des sols, mais les espaces verts sont aussi un rempart contre les chaleurs extrêmes, des lieux de convivialité, des espaces de jogging, etc.
Au fond, la sous-mobilisation de la société civile s’explique peut-être essentiellement par une question d’approche. Il est temps d’abandonner un discours qui n’a pas fait ses preuves en cantonnant le climat à un problème d’environnement, alors que nous faisons face à un problème transversal qui met au défi toutes nos politiques actuelles (commerce, géopolitique, inégalités…).
On ne le répètera jamais assez : la transition écologique est une opportunité pour vivre mieux, dans un monde plus juste. A l’approche de la COP21, ne réduisons pas le changement climatique à un sujet technique du ressort des seuls scientifiques. Puisque ces bouleversements posent la question du modèle de société à adopter dans les années à venir, ne laissons pas cette question éminemment politique entre les mains d’une poignée d’experts. Sans plus attendre, aux actes, citoyens !