Comment évaluez-vous la relation entre la France et l’Afrique ?
Etienne Giros : Elle progresse dans le bon sens. L’Afrique se mondialise et s’ouvre vers tous les horizons. La relation avec la France se normalise, et notamment dans le domaine économique. La françafrique est finie. Nous devons simplement prouver que nous sommes les meilleurs et les moins chers. Nous nous appuyons sur des avantages : une monnaie commune, un passé commun, une langue commune et un droit commun. On ne va pas nous enlever ça. Mais ce n’est pas la françafrique, c’est juste un contexte économique. Si on entend par françafrique des arrangements entre amis, des passe-droits ou des pressions politiques, ça je crois que c’est bel et bien fini. Il demeure en revanche quelques restes d’une relation particulière dans le domaine politique et militaire.
Distancée par la Chine, la France envisage de doubler ses investissements en Afrique. De quelle manière peut-elle dépoussiérer ses relations économiques avec le continent ?
Je crois qu’elle est assez largement dépoussiérée. La Chine prend des parts de marché, mais elle a aussi apporté deux ou trois points de croissance à l’Afrique. Cela a été utile aux entreprises françaises. Si les positions de la France faiblissent, c’est parce que nous avons un peu perdu pied dans certains secteurs, notamment miniers et bancaires. Nous avons en revanche des positions solides pour l’avenir qu’il faut cultiver. Je pense par exemple aux «villes intelligentes». L’Afrique est confrontée à un développement démographique très fort qui va doubler, tripler, quintupler, et accélérer l’urbanisation de ces pays. Il va falloir développer les villes et d’une manière écologique : ramasser les déchets, construire des logements, éviter les embouteillages... Les entreprises françaises ont une grande expertise dans ces domaines. Ce sont des champs porteurs de développement.
La France peut-elle compter sur de nouveaux partenaires, comme le Maroc par exemple, pour se projeter en Afrique ?
La position des entreprises françaises doit passer par des partenariats avec des Africains et des partenaires locaux. Il faut aussi accepter de tisser des partenariats avec les Chinois, qui ont des positions très fortes. Mieux vaut avoir une part d’un gâteau minime que 100% de rien. Quant au Marocains, ils ont une vision extrêmement claire de leur développement en Afrique qu’ils déroulent presque comme un bulldozer. Mais les Marocains n’attendent pas toujours les entreprises françaises pour s’implanter.
Certains pays d’Afrique de l’Ouest prétendent à leur propre monnaie afin qu’elle ne soit plus indexée sur l’euro. Le Franc CFA est-il encore un avantage pour l’Afrique et l’Europe ?
En Afrique, le débat est vieux comme le CFA lui-même. Le premier avantage du CFA est d’assurer un certain pouvoir d’achat aux populations africaines. Dévaluez ou quitter le Franc CFA, vous irez immédiatement appauvrir des dizaines de millions d’Africains. Une large partie de ce qu’ils consomment coûtera entre 20 et 50% plus cher. Ce serait un drame social. Le Franc CFA facilite également le commerce international car c’est une seule monnaie et il est convertible. En contrepartie, le Franc CFA peut être considéré comme un obstacle aux exportations africaines puisque l’euro est cher. Mais ceci n’est pas dû au fait que le CFA existe, mais parce qu’il est accolé à l’euro et qu’on pourrait admettre de le dévaluer, sans pour autant le supprimer.