«On est entré dans une époque où sous couvert de faire le bien des gens contre eux-mêmes, on restreint leurs libertés. C’est apparu quand le conseil d’Etat, dans les années 70, a introduit l’arrêt Bouvet sur le port de la ceinture de sécurité, l’idée que les pouvoirs de police incluaient la possibilité de protéger les individus contre leurs propres actions et pas seulement contre les autres. Désormais, l’Etat peut protéger l’individu contre lui-même. C’est un glissement juridique important qui s’est étendu progressivement à la notion de dignité humaine. L’Etat peut protéger l’individu sur le plan matériel mais aussi moral. La dignité est devenue une composante de l’ordre public, c’est au nom de celle-ci, et non de ses propos, que le spectacle de Dieudonné a été interdit.
On assiste à la multiplication des petits interdits qui alimentent le despotisme démocratique, et là je rejoins Tocqueville, «c'est surtout dans le détail qu’il est dangereux d'asservir les hommes». Il y a les lois sur les sodas, les mannequins trop maigres, la régulation de l’expression, ces régulations de plus en plus excessives vont toutes dans le sens d’une restriction des libertés. Ce sont les dérives de la protection de l’homme contre lui-même, des restrictions instaurées par un Etat nounou auquel le politique cède a chaque fait divers. Il y a aussi la question de la propriété du corps humain. Je pense qu’il faut instaurer un principe de patrimonialité du corps. Libertés économiques et individuelles sont liées et on ne réduit pas les unes sans diminuer les autres. Le prochain grand sujet sera celui des données personnelles, là aussi, il faut établir un droit de propriété sur ces données.
Je ne suis pas un libertarien, je considère que l’Etat a un rôle à jouer pour accompagner l’émancipation de l’individu de ses tutelles diverses. Je suis un libéral classique, l’esprit révolutionnaire de la Déclaration des droits de l’homme et des citoyens me va bien, c’est-à-dire laisser chacun libre de ses actions et de ses finalités, ne pas assigner un but commun à la société».