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Mon Corps Connecté

Faut-il redouter la médecine du futur ?

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Les objets connectés aident les médecins mais ils posent de nouvelles questions, notamment sur la protection des données personnelles ou les liens entre industrie et santé.
Forum Libération : « Mon corps connecté, comment la technologie révolutionne la santé » à l'université de médecine de Grenoble. La Tronche (Isère) le 28-11-15. (Pablo Chignard)
publié le 29 novembre 2015 à 18h36
(mis à jour le 30 novembre 2015 à 16h10)

Objets connectés, médecine électronique, robotique, codes barre et algorithmes… la technologie révolutionne le secteur de la santé. Aux objectifs de recherche et de soin s’ajoutent des innovations de plus en plus nombreuses. Cette ère du tout technologique suscite fascination et inquiétude, à l’image des débats du Forum Libération «Mon corps connecté» dans la métropole grenobloise.

Données. Alors que la neige presse les retardataires à l'intérieur de l'amphithéâtre de la fac de médecine, le premier atelier démarre sur le thème de la médecine du futur. Prédictive et personnalisée, elle permet des progrès thérapeutiques considérables. François Berger, directeur de recherche à l'université de Grenoble, est venu défendre les avancées de la médecine électronique. Son outil ? Le smartphone transformé en smart device («outil intelligent») au service des patients.

Mais le philosophe Eric Sadin s'inquiète d'une confusion des genres entre l'industrie et la santé. A cela s'ajoute la marchandisation des données issues du corps humain : le sommeil, l'activité sportive, les pulsations du cœur, etc. Ces objets ludiques et portés sur le bien-être ne doivent pas faire oublier l'existence de produits livrant des informations autrement plus vitales : rythme cardiaque, taux de glycémie, exposition au soleil… Leur limite : ils ne sont ni régulés, ni vérifiés, ni certifiés. Or dans le domaine de la santé, il n'y a pas de droit à l'à-peu-près, rappelle Philippe Cinquin, docteur en médecine et pionnier de l'informatique médical. «A partir du moment où l'on veut proposer des conseils médicaux, il faut faire valider cliniquement ces objets.»

Ces données connectées constituent une mine d’information pour la recherche. Faut-il garantir leur libre accès ? Oui, si c’est dans un cadre réglementaire et éthique approprié, soutient Vincent Tempelaere, président de Medicalps, le pôle compétitivité de la filière des technologies de santé de Grenoble-Isère. La protection des données est non négociable, réfute Jacques Lucas, vice-président du Conseil national de l’ordre des médecins, car elles touchent à l’intimité de l’individu.

Délais. Toutes ces évolutions techniques transforment la relation patient-médecin. Pour Eric Sebban, fondateur de Visiomed, entreprise qui développe des produits électroniques à usage médical, l'avenir est au médecin virtuel. Mais cette technologie n'a pas vocation à remplacer le professionnel de la santé ni à le transformer en infirmière exécutante. Pas d'«ubérisation» de la médecine donc. La numérisation permettrait au contraire au médecin de consacrer plus de temps au patient, de mieux l'accompagner, et de raccourcir les délais d'hospitalisation, selon Carlos Jaime, directeur de la division santé et équipement médicaux de Samsung : «Plus de 80 % des usagers veulent vieillir et mourir à domicile».

La fin de la journée s’oriente vers la quête d’éternité. Alors que les transhumanistes rêvent d’un homme augmenté dont on changerait les parties du corps à l’infini comme des pièces détachées, Bertin Nahum, fondateur du premier robot chirurgien, tempère : remettre en question la mort, c’est transgresser. Mais peut-on innover sans transgresser ?