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VERBATIM

FABIEN VERSCHAERE : « Ce trait blanc est comme un fil. Une danse. »

En décembre 2015, Libération exposait au Palais de Tokyo une quarantaine de ses unes emblématiques revisitées par des artistes contemporains. Le 22 mars prochain, les oeuvres de l'exposition Artistes à la Une seront vendues aux enchères au profit de Reporters sans frontières à la Cité de l'architecture et du patrimoine.
La une «Foucault, La dernière interview» a été revisitée par Fabien Verschaere.
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publié le 17 mars 2016 à 17h48

J’ai découvert et étudié Foucault aux Beaux Arts. Sa mythologie, sa philosophie, ne m’ont depuis plus quitté. Foucault, c’est d’abord une pensée indépendante et nomade. L’idée du territoire et de son exploration imprègne l’homme et son œuvre. Contrairement à Deleuze, mon autre philosophe fétiche, Foucault n’est pas un voyageur immobile. Il a beaucoup voyagé, ancré ses recherches dans le terrain, fait l’expérience de rencontres singulières, dont l’exemple ultime est son immersion dans l’univers du sadomasochisme. Un nomadisme du corps et de l’esprit qui, à mes yeux, résonne encore aujourd’hui très fortement avec l’époque et son actualité.

Il y a aussi sa réflexion sur le corps. Pour moi, artiste plasticien, l’idée foucaldienne du corps comme point de départ d’un va-et-vient avec le monde est primordiale. Le corps n’est pas l’abeille qui s’agite, mais bien la ruche, qui se remplit des allées et venues vers l’extérieur. D’ailleurs le corps est aussi le premier des emprisonnements. De ça aussi, Foucault parle. Dans la pratique artistique, à certains moments, mon corps est une prison dont je n’arrive pas à m’extraire. D’un point de vue personnel, je pense pouvoir dire que Foucault a inspiré mes déambulations spirituelles, qui tendent aujourd’hui vers l’animisme. Et puis pour moi, qui travaille l’image, Foucault est assez passionnant. C’est un grand orateur, je l’ai donc finalement peu lu : je l’ai surtout écouté, en visionnant les vidéos de ses conférences et interviews sur Youtube.

Cette voix, ce crâne rasé... Il m’évoque une esthétique très seventies. Cette une de Libé impose un effet quasi christique : en annonçant «La dernière interview», elle promet comme une révélation. J’ai choisi de travailler très simplement cette image. Un fond d’acrylique noir, et une gouache blanche, au pinceau. Elle dit la dualité, dans le dialogue du noir et du blanc. Elle parle de la maladie, de la schizophrénie, de la folie...

Ce trait blanc est comme un fil. Une danse. Ce n’est pas un dessin de composition, c’est une performance, dans un temps bien défini, avec un début, et une fin.