Samedi 17 septembre, Libération et L'Express organisent le Forum «France, un modèle social à suivre ?», une journée de débat au siège d'Alticemedia. Dominique Méda participera au débat «Repenser l'emploi ?» Inscrivez-vous ici.
Pour repenser l’emploi, il nous faut d’abord rompre avec trois mythes. Le premier voudrait que l’emploi soit en voie de disparition. Depuis le début de la décennie, un ou deux articles tournent en boucle dans le monde entier pour soutenir que la moitié des emplois existant vont disparaître dans les dix ans à venir. Plusieurs études viennent de montrer combien cette thèse imprégnée de déterminisme technologique était fausse. Le second est que le salariat tirerait à sa fin et que ce serait une bonne nouvelle. S’agissant de la France, le salariat concerne encore presque 90% de la population (et le CDI 87% de l’emploi salarié) et il faut reconnaître qu’aucune autre forme d’emploi n’est actuellement aussi pourvoyeuse de sécurité. Le troisième est que la valeur travail serait dégradée et que les Français auraient une préférence avérée pour le loisir. Mais les enquêtes démentent toutes cette pseudo théorie.
Des hypothèses inenvisageables
Il y a trois voies dont nous devons accepter de reconnaître qu'elles ne sont pas envisageables. La première consiste à démanteler le droit du travail parce qu'il serait la cause du chômage. Mais là encore de nombreuses études montrent que la vraie cause du chômage n'est pas là et que l'acharnement sur le droit et le coût du travail ne font que dégrader un peu plus des conditions de travail déjà très médiocres en France. La seconde voie consiste à attendre le retour de la croissance : nul besoin d'être un adepte de Robert Gordon (selon lequel la croissance ne reviendra pas), pour être convaincu que la croissance n'est pas la solution : il est en effet désormais clair que celle-ci entraîne une série de dégradations environnementales et sociales que seul notre attachement aveugle au PIB nous empêche de voir. La troisième compte sur la révolution technologique pour faire repartir, sinon l'emploi, du moins la croissance. Comme pour le paradoxe de Solow, il nous suffirait d'attendre un peu pour en voir les merveilleux effets.
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Il existe pourtant une autre voie, bien plus raisonnable. Elle consiste à reconnaître que notre salut commun passe par un investissement massif dans la reconversion écologique de nos sociétés permettant d’éviter l’explosion de la menace climatique. Bien pratiqué cet engagement devrait nous permettre de créer, comme l’a mis en évidence l’économiste Jean Gadrey, des millions d’emplois durables. A ce premier volet devrait s’ajouter un ambitieux programme de réduction du temps de travail – seule manière de partager le volume de travail disponible au plus vite – ainsi qu’un programme massif de formation et de requalification (un des investissements les plus utiles). La mise en œuvre d’un tel programme suppose évidemment un certain nombre de changements à la fois au niveau international (édiction de normes sociales et environnementales strictes, lutte contre le dumping social, fiscal et la financiarisation) et au niveau européen (mandat commercial européen, renégociation des Traités). Mais elle mérite, même en leur absence, d’être engagée dans un seul pays.