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Libération
Tribune de Jean-Claude Carrière

Quelle culture contre les fractures sociales?

Il faut définir la notion de «culture», avant de vouloir lui assigner un rôle dans notre société.
Jean-Claude Carriere (© Kevork Djansezian / Reuters)
par Jean-Claude Carrière, écrivain et cinéaste
publié le 13 septembre 2016 à 11h24

Le 19 septembre, Libération s'associe à la Maison de la danse de Lyon pour «La culture aux citoyens», une journée de débat à l'Université Catholique de Lyon. Jean-Claude Carrière participera au débat «La culture contre les fractures?». Inscrivez-vous ici.

Nous mettons des choses très diverses sous le mot «culture». Pour certains, par exemple pour le Ministère qui porte ce nom la «Culture» rassemble toutes les activités artistiques, mais laisse l'éducation de côté. Pour d'autres, pour les anthropologues par exemple, la «culture» rassemble toutes les activités d'un peuple: son alimentation, ses vêtements, toutes ses manières de vivre, et aussi des croyances, ses mythes, ses coutumes. On dit communément «c'est un homme cultivé» quand il s'agit tout simplement d'un érudit, qui n'a pas forcément de goût pour les arts, ni de curiosité pour les autres peuples et de temps à leur consacrer.

Je crois que la même question se pose pour le mot «fracture». Dans quel sens l'emploie-t-on ici? J'imagine qu'il s'agit d'une fracture sociale. De toute manière, la réunion devrait-elle commencer par une discussion sur le sens des mots, elle n'en serait que bienvenue. Dans ce cas, elle serait «confucéenne», et nous pourrions nous expliquer là-dessus. Rien ne sert de parler du rôle de la «culture» si nous ne savons pas exactement de quoi nous parlons.

Mais nous arriverons à nous entendre. J'en suis persuadé. Sans oublier qu'une «culture», au sens traditionnel du mot (incluant la religion), peut quelquefois appeler à la fracture, et même à la fracture violente, comme nous le voyons chaque jour, et comme nous l'avons nous-mêmes très souvent pratiqué. «Je suis venu apporter le feu sur la Terre», aurait dit Jésus. Et ça a marché.

S’ouvrir à d’autres cultures

Le rêve serait évidemment d'emprunter à une culture un de ses thèmes les plus profonds, comme nous l'avons fait pour L'Inde, avec Peter Brook, en adaptant l'épopée du «Mahabharata», et de l'adapter, aussi fidèlement que possible, afin de faire connaître cette oeuvre au reste du monde. Nous pourrions ainsi montrer que nous pouvons admirer totalement une oeuvre venue de loin, sans pour cela nous croire obligés d'aller offrir un sacrifice à Vishnou.

Cela suppose, pour l’Occident, qui s’est toujours montré très habile, et très insistant, pour vendre ses objets de culture aux autres peuples (Shakespeare, Mozart, Picasso), d’accepter d’accueillir, et d’essayer d’aimer, les grandes œuvres venues d’ailleurs. Mais cela suppose que nous devons abattre de hautes murailles, d’autant plus résistantes qu’elles sont invisibles.