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Quand les Makers changent la donne

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Les communautés issues de la culture «do it yourself» s'imposent en France. Récit de la deuxième rencontre du Forum «Citadins & Citoyens».
Débat «L’ère des communautés ?» au BHV MARAIS, avec Jean-Marc Guesné (directeur d’Ashoka France), Michel Lallement (sociologue), Bertier Luyt (fondateur du FabShop Paris), Patrick Viveret (philosophe et spécialiste de l’ESS). (© Photo Camille Mouat pour Libération)
publié le 26 septembre 2016 à 13h04

Nés au MIT (Massachussetts Institute of Technology) au début des années 2000, les Fab Lab (laboratoires de fabrication) incarnent une nouvelle manière de se rassembler pour inventer, créer, fabriquer et transmettre hors des institutions classiques que sont l'université ou l'entreprise. «Nous assistons à l'émergence d'une nouvelle alchimie du lien social dans ces «tiers lieux» situés entre l'entreprise classique et l'espace domestique» analyse Michel Lallement, sociologue. Ces Makers (faiseurs) bidouillent au sein d'ateliers partagés, équipés d'outils numériques et d'imprimantes 3D pour concevoir et fabriquer objets et prototypes. Même si leur apparition est récente, ils n'en sont pas moins les héritiers des compagnons du Moyen Âge et du courant autogestionnaire des années 70. Mais en échangeant des logiciels open source, dont les codes sont en accès libre et que chacun peut enrichir, ces Makers défient-ils les institutions fondées sur le respect du copyright ? «Pas nécessairement. Arduino, constructeur italien de cartes électroniques, partage ses plans de fabrication tout en conservant ses droits sur les produits», explique Bertier Luyt, fondateur du FabShop Paris. Cet enfant du Web 2.0 a lui-même appris la modélisation 3D dans des manuels écrits et diffusés bénévolement sur le Net.

Résister au fondamentalisme marchand

Plus que de simples ateliers de geeks partageurs, le mouvement des Makers s'attaque à des problématiques de société. À l'instar d'Ashoka, réseau mondial né en Inde, qui soutient 3300 entrepreneurs sociaux grâce à une approche philanthropique du capital-risque. «Notre credo, c'est que les problématiques sociales sont trop complexes pour êtres résolues par une seule classe d'actifs, individus ou entreprises. Notre rôle est d'identifier ces entrepreneurs sociaux, les accompagner et les mettre en lumière», détaille Jean-Marc Guesné directeur d'Ashoka France.

Mais peut-on vraiment échapper à la logique du profit ? s'interroge Laurent Joffrin. Pour Michel Lallement, «cette question est très française. Aux États-Unis, l'important, c'est l'autonomie et le just for fun (juste pour le plaisir). Si en plus ça permet de créer des jobs, tant mieux». Pour le philosophe Patrick Viveret, il s'agit pour ces mouvements de «résister au fondamentalisme marchand et de sortir des logiques de compétition.» Bertier Luyt, conclut avec un exemple frappant : «à Berlin, le fabricant de prothèses Ottobock a accueilli dans son Fab Lab Nicolas Huchet, un trentenaire nantais amputé de la main droite et inventeur d'une main bionique à 300 euros au lieu de plusieurs milliers». Une belle réussite du do it yourself.