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Yannick Jadot : «il faut redéfinir une politique nationale ambitieuse»

Quand l'eau révèle le mondedossier
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Le candidat écologiste appelle à renforcer le service public de l'eau.
Yannick Jadot candidat EELV à l'élection présidentielle 2017. (© Jacky Naegelen / Reuters)
publié le 13 janvier 2017 à 17h58

Le 14 janvier, Libération organise «Quand l'eau révèle le monde», une journée de débats au siège de la rédaction. Yannick Jadot participera à la table ronde «L'eau, un bien comme les autres ?». Inscrivez-vous ici pour y assister.

L’eau c’est la vie et l’accès à l’eau, un droit fondamental. Si le constat paraît évident, il est aujourd’hui essentiel de porter cette vérité et d’en poursuivre sa réalisation concrète. Que ce soit pour la vie des personnes et des animaux, pour la production d’énergie ou l’irrigation des terres, l’eau est une richesse convoitée qui se raréfie ; et un objet de conflit en devenir. Nous devons aussi garder à l’esprit toutes les coopérations issues du partage de l’eau car elles sont encore la norme sur notre planète : l’eau est source de partage. Au-delà, nous devons construire la meilleure protection possible de cette ressource et choisir les meilleures options pour sa gestion.

Les pollutions domestiques et industrielles diminuent mais l’état des eaux superficielles et souterraines des bassins hydrographiques de France n’est pas bon. Et ce ne sont pas les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE 2016-2021) qui changeront la donne. Ces derniers ne s’attaquent pas directement aux causes de la dégradation de nos eaux : la pression croissante des pollutions diffuses (azote, pesticides, eaux pluviales et résidus médicamenteux), l’excès des prélèvements, notamment pour l’irrigation, l’artificialisation des lits mineurs et des zones humides. Le tout dans un contexte de retrait de l’État au nom de la décentralisation et de renvoi à la compétence des collectivités locales, techniquement dépassées ou culturellement obédientes aux lobbies. Il faut redéfinir une politique nationale ambitieuse et accompagner les collectivités dans la prise en charge d’une compétence extrêmement complexe.

Quelle gouvernance adopter ? 

Nous devons accompagner le système public des agences de l'eau. Malgré l'évidence d'une gestion de l'eau par bassin (qui fait de la France un exemple dans le monde), l'efficience technique et financière des agences de l'eau n'est pas toujours au rendez-vous. Nous souhaitons mettre en place une nouvelle loi sur l'eau et les milieux aquatiques qui modifiera la gouvernance des agences et démocratisera leur administration et leur commandement.

La gestion de la distribution et de l’assainissement de l’eau est une autre difficulté dans un monde qui fait passer l’économie avant l’écologie. La délégation de service à une entreprise privée pose la question éthique de la gestion commerciale d’un bien commun. La rentabilité à court terme et la recherche du profit ne peuvent être compatibles avec une gestion vertueuse de l’eau. Celle-ci doit privilégier qualité et protection de la ressource, entretien des réseaux et un accès à l’eau pour tous, au meilleur coût. La régie publique est une meilleure garantie d’une gestion saine de l’eau et d’une maîtrise du coût du service public. Elle évite les politiques tarifaires commerciales et rend possible une politique écologique et sociale, une consommation responsable et une vision à long terme. C’est-à-dire des investissements pour la préservation de la ressource en eau en lien avec la protection des zones de captages.

Depuis le début des années 2000, un certain nombre de collectivités ont fait le choix du bon sens, comme Paris, Grenoble ou Nice. Danielle Mitterrand, fondatrice de la Fondation France libertés, résumait bien la situation : «La marchandisation signifie que lorsque nous mettons sur une table deux verres pleins d'eau, l'un géré par une multinationale et l'autre par le service public, 1/3 du verre de la multinationale sert à rétribuer des actionnaires, alors que le service public consacre les trois tiers au service de l'eau, sans profit».

En tant qu’écologiste, je porte donc fortement cette idée d’une eau de qualité pour toutes et tous, assurée par un service public renforcé. Pour que l’accès à l’eau devienne un droit fondamental, dans les faits.