Menu
Libération

«Bougisme» versus «impact écologique»

Mathieu Flonneau, historien des mobilités à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne.
par
publié le 21 mai 2017 à 17h06

Depuis quelques années, mobilité et politique se sont rencontrées. Au-delà des manichéismes idéologiques, le contact passe enfin et émerge l’idée que la traditionnelle guerre des modes de transport, soigneusement entretenue, est assez vaine dès que l’on souhaite vraiment répondre avec pragmatisme aux attentes légitimes de nos concitoyens.

Pour autant, et il faut le dire, celles-ci ne sont pas toujours raisonnables. En effet, le «bougisme» et le toujours plus de mobilité sont en profonde contradiction avec les ambitions de modération en matière de consommation énergétique et d’impact environnemental. Il convient donc d’arbitrer vraiment, courageusement, politiquement, parmi les options proposées sachant que nul impératif catégorique, pas même celui d’une écologie moralisatrice finalement handicapante pour la transition énergétique, ne saurait s’imposer à l’exigence constitutionnelle de la liberté de mouvement. De celle-ci dépend effectivement aussi la prospérité nationale ce que parfois l’on feint d’oublier.

En nos nouveaux temps annoncés de présidence jupitérienne, le souvenir du dieu des voyageurs et des communications, Mercure, assimilé à l'Hermès grec, pourrait peut-être structurer la nouvelle pratique régalienne d'une régulation surplombante et efficace des mobilités. Ce «choc de mobilités» (1) que nous vivons à l'heure du numérique - de la smart city, du «renouveau» de la route ou des véhicules robomobiles - exige, certes, de se défaire de quelques conformismes mais aussi de définir, en même temps, des finalités claires pour les nouveaux écosystèmes dans le contexte d'un Etat démocratique à la forme républicaine. Le besoin d'une feuille de route, ou de marche !, se fait sentir pour raisonner avec recul et agilité les «révolutions» des usages en cours dans la chaîne de valeur mobilitaire et dans tous les cas, la technologie doit être vraiment placée au service de l'humain et son exploitation ne doit pas être naïve ou aveugle.

Les constructeurs, les bâtisseurs, les exploitants historiques de services de mobilité se trouvent, comme on le lit souvent «condamnés à se réinventer» par ce prétendu sens de l’histoire dont la possible ironie doit rendre parfois humble.

En définitive, les questions sociales, urbaines, périurbaines et rurales se retrouvent ainsi au cœur des enjeux liés aux cultures de transport dont la pluralité et la profondeur patrimoniale - qui valent tant par exemple pour le chemin de fer que pour l’automobilisme - ne sauraient être ignorées. De la capacité de la puissance publique à formuler des exigences relatives à la sanctuarisation des communs dépendra la viabilité d’une société vraiment mobile et toujours inclusive.

(1) Choc de mobilités. Histoire croisée au présent des routes intelligentes et véhicules communicants, Descartes et Cie, 2016.