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Libération
Éditorial

Survie

publié le 25 décembre 2018 à 20h46

Aujourd’hui coupables. Demain victimes. Après-demain sauveurs ? Qu’ils cultivent du riz au Vietnam, du café en Ethiopie ou du maïs dans les Deux-Sèvres, les agriculteurs du monde entier sont tous confrontés à une question existentielle que leur impose le changement climatique. La mondialisation des échanges et l’intensification à outrance font que le secteur contribue aujourd’hui à l’émission d’un quart des gaz à effet de serre. L’accroissement programmé de la population mondiale et la demande en alimentation qui ira avec ne laissent pas de place au doute : sans changement de modèle, cette part de la responsabilité agricole dans le chaos annoncé ne pourra qu’aller crescendo.

En finir avec l’accaparement des terres et des ressources n’a rien d’évident pour de nombreux acteurs. Agriculteurs, industriels de l’agroalimentaire, où les lobbys sont puissants, ou les Etats eux-mêmes restent bien souvent prisonniers de schémas productivistes qui les conduisent à leur perte : le bouleversement climatique et son lot de sécheresses, d’inondations, d’événements météorologiques extrêmes et imprévisibles menacent l’ensemble du système et sa capacité à répondre à la demande. En clair, l’agriculture mondiale est en train de scier la branche sur laquelle elle prospère depuis les années 60. Le changement de modèle n’est donc pas une option, y compris du point de vue de la logique économique. Etre climato-intelligente est même, pour l’agriculture, sa seule chance de survie.

Malgré les apparences, il y a une bonne raison d’être optimiste : l’agro-écologie. Les initiatives vertueuses, nourries des expériences du passé comme de la recherche scientifique de pointe, se multiplient partout. Malheureusement, il y a aussi une raison d’être pessimiste : l’incapacité des Etats à transformer un modèle qui court à sa perte. Et pas qu’à la sienne.