Sans crier gare, l'humiliation est venue de là où je ne l'attendais pas. Pour justifier avoir préféré la candidature d'Harlem Désir à la mienne à la tête de la liste socialiste aux Européennes en Ile-de-France, Martine Aubry déclarait en février 2009 devant la presse «Benoît Hamon n'a pas besoin d'être tête de liste, c'est l'idole de toutes les femmes». Je reçus la pirouette lancée «en rigolant» par la première secrétaire du PS comme un coup de poing à l'estomac. J'avais quelques mois auparavant, âprement gagné mes galons de porte-parole du PS après un congrès où le texte que j'avais soumis au vote des militants socialistes avait créé la surprise et les idées que j'avais développées avaient séduit au-delà des rangs traditionnels de la gauche socialiste. Et me voilà publiquement réduit à une enveloppe, voire à un objet sexuel. En résumé: pas pris au sérieux.
Ce matin-là, je me suis donc retrouvé dans la peau d’une femme politique comme les autres. Moment rare. Une fois en 20 ans. Mais cet intermède dans le monde «sauvage» des femmes en politique a eu le mérite de m’offrir une expérience inédite. Il m’a permis d’approcher la sensation nauséeuse d’être exposé à la sexualisation des postures et des attitudes, de mieux comprendre la gêne, la lassitude sinon le dégoût ou l’angoisse qui naissent d’être envisagée (en bien ou en mal) pour son corps, sa tenue, sa coiffure, sans rapport avec la qualité ou la sincérité d’une parole ou d’un engagement. Le monde politique reste une citadelle machiste à prendre.