Menu
Libération
Tribune

Anaphore pour une élue

Événementsdossier
«Les hommes sont-ils des femmes politiques comme les autres?» Libération a posé la question à des politiques, sociologues ou historiennes, dans la perspective du forum organisé le 8 février à l'Assemblée nationale. Aujourd'hui Danièle Obono.
Daniele Obono , durant une session de questions au gouvernement, en octobre 2017. (AFP)
par Danièle Obono, députée
publié le 1er février 2019 à 10h25

Si «l’homme» politique était une «femme» politique comme les autres… il ne serait déjà pas un «homme politique». Car il n’aurait pas surmonté le parcours d’obstacles historiques, sociaux, économiques, politiques et culturels, auquel une femme politique doit systématiquement faire face, afin de ne serait-ce qu’exister comme sujet et actrice légitime de l’espace politique.

Il n’aurait jamais imaginé que ce soit possible, n’ayant pas, ou si peu, d’exemples d’autres femmes, dans l’Histoire, dont les accomplissements soient mentionnés et célébrés autrement qu’en relation à un homme.

Il n’aurait pas, ou si peu, la confiance, le courage, le sentiment de légitimité, inculqués et cultivés dès l’enfance, pour intervenir dans les débats politiques. Ni eu d’ailleurs, pendant très longtemps, la liberté et le droit de le faire.

Il n’aurait pas, ou si peu, à sa disposition les moyens humains et matériels de consacrer du temps et de l’énergie à un engagement politique qui signifie pour beaucoup non plus une double mais une triple journée de travail et d’efforts.

Il n’aurait pas, ou si peu, la place d’être candidat à une fonction élective en position éligible. Ni, une fois élu, la garantie de pouvoir l’exercer dans un environnement public et médiatique bienveillant, respectueux de sa personne, de son intégrité morale et physique, de son intelligence politique.

En résumé, il n’aurait pas, ou si peu, les privilèges du genre dominant d’exercer ses droits fondamentaux, sa pleine et entière citoyenneté, concédés en outre au prix d’une longue lutte qui reste toujours d’actualité.

«L’homme» politique n’est pas une «femme» politique comme les autres. Ce qu’aucune «femme politique» ne devrait pas non plus être.