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Forum de Strasbourg: tribune

«Allons-nous accepter encore longtemps notre statut d’Européens par défaut ?»

L'Europe: un esprit de résistancedossier
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Roland Ries, maire de Strasbourg, appelle à un réveil culturel et politique, à la veille des élections européennes. Il dialoguera ce samedi à 18 heures avec François Hollande et Amin Maalouf dans un débat modéré par par Laurent Joffrin, directeur de Libération et Dominique Jung, rédacteur en chef des DNA.
Roland Ries en 2014. (Photo Patrick Hertzog. AFP)
par Roland Ries, maire de Strasbourg
publié le 10 mai 2019 à 15h19

La campagne pour les élections européennes de 2019 va s’achever, sans avoir véritablement commencé. Et le grand rendez-vous du 26 mai risque de se transformer en une banale consultation nationale. À vrai dire, nous sommes coutumiers de ce contresens démocratique… Ainsi, nous, enfants gâtés de l’Histoire, préservés des conflits sanglants depuis presque trois quarts de siècle, avons (de nouveau !) gâché une belle occasion de mettre sur la table nos interrogations fondamentales sur le ciment de notre «Union».

Comment en sommes-nous arrivés là ? Pourquoi avoir troqué l’indispensable débat d’idées pour une guerre de tranchées manichéenne, censée venir à bout d’un mal souvent qualifié de populiste ? Allons-nous accepter encore longtemps notre statut d’Européens «par défaut», nostalgiques d’une utopie politique non advenue, nous lamentant sur notre destin contrarié ? Il est plus que temps de résister à ces affects destructeurs. Entre tumulte et utopie, notre responsabilité est de porter haut le combat culturel et politique, afin d’offrir aux jeunes générations un héritage fidèle à nos ambitions et à nos convictions.

Car en vérité, l’idéal européen n’est pas si entamé que le pessimisme profond propre à notre époque voudrait le faire croire. L’Europe demeure cette épopée pleine d’espoir, forte d’une vitalité profonde et complexe, qui survit aux convulsions politiques. Et la culture européenne, revivifiée par l’accueil de la diversité et le renouvellement des générations, constitue un socle de civilisation bien plus puissant que l’étroitesse des égoïsmes nationalistes.

Pris dans les tourmentes d’un monde livré aux désordres et rivalités géopolitiques, nous autres Européens sommes désormais acculés à l’action et au sursaut, afin de défendre sur la scène mondiale les valeurs qui nous ont fondés. Celles-là mêmes qui nous ont conduits à tenter de conjuguer libertés individuelles et recherche du bien commun. Tel est le combat culturel positif que nous devons mener, en démontrant que face aux immenses défis actuels que représentent la transition écologique, les menaces sécuritaires, les inégalités, les migrations, l’Europe est la bonne réponse, la bonne échelle, la plus à même d’allier efficacité et dignité.

Dans ce contexte, où, mieux qu’à Strasbourg - capitale démocratique et parlementaire de l’Europe, également capitale européenne de l’économie sociale et solidaire (ESS) 2019 et peut-être future capitale verte européenne –, pouvons-nous rechercher des voies nouvelles pour réinventer une Europe désirable pour tous les citoyens ?

Pour réussir, il nous faut insuffler cet esprit de résistance, qui, loin de signifier le seul réflexe défensif, est habité par l'énergie du mouvement et de la créativité. Ville de paix et de réconciliation entre les peuples, siège du Parlement européen, Strasbourg est prête une fois encore à composer un nouveau chapitre de l'odyssée de l'Europe, cette «plus grande patrie» qu'avec Albert Camus nous appelons de nos vœux.