La cause européenne ne fait plus guère recette. Les élections du 26 mai prochain ne mobilisent guère. A Strasbourg, où le Parlement est visible depuis le tramway, les institutions de L’Union européenne semblent bien lointaines des préoccupations des habitants.
Les rassemblements politiques organisés en terres alsaciennes ces dernières semaines se sont pourtant multipliés. L’un des plus marquants fut sans doute le meeting tenu par la liste Renaissance (LREM, Modem, UDI agir) au Palais des Congrès de Strasbourg, le 11 mai. L’événement, qui rassemblait les partisans de la liste menée par Nathalie Loiseau, s’est déroulé en présence de poids lourds de la vie politique française, comme l’ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, l’actuel locataire de Matignon Edouard Phillipe, ou encore le ministre de l’Education Jean-Michel Blanquer. Un meeting qui a cherché à marquer profondément l’esprit de la capitale européenne, et qui n’était pas dénué d’une certaine force de frappe symbolique. La liste de Nathalie Loiseau cherchant à réaffirmer la nécessité d’une construction européenne, quoi de mieux que l’un des hauts lieux de cette même construction pour lancer sa campagne?
Une ville symbole
La ville de Strasbourg est en effet l’un des berceaux de l’Union. Elle est aussi le symbole des valeurs démocratiques que celle-ci prétend défendre. Si Bruxelles ou Francfort sont connues pour héberger de nombreuses institutions, elles sont souvent associées au caractère bureaucratique, voire technocratique de l’UE quand Strasbourg, ville du Parlement et de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, revêt un caractère autrement plus consensuel. Lieu de naissance d’un parlement européen, elle est aussi le lieu rêvé pour mener une campagne à grand train.
C'est la raison pour laquelle les listes et meetings se sont succédé sur le terrain strasbourgeois. Cependant, si l'image que l'on peut avoir de Strasbourg, en forçant le trait, est celle d'une brillante capitale européenne, capable de s'élever au-dessus des clivages nationaux pour se tourner vers le voisin allemand – les échanges et la coopération transfrontalière sont favorisés, comme en atteste la création d'une Eurométropole en 2015-, Il faut savoir que la réalité politique locale est peu marquée par l'existence d'une «culture de l'Europe». Comme l'affirmait le chef de rédaction des Dernières Nouvelles d'Alsace (DNA) Dominique Jung durant le forum Libération organisé ce samedi 18 mai, «il existe un certain désintérêt des Strasbourgeois pour les questions institutionnelles qui touchent à l'Union Européenne. Ce ne sont pas des questions qui font des grands scores d'audience».
Dans la rue, la plupart des passants semblent désarçonnés à l'évocation des prochaines élections. Ces derniers répondent principalement par leur indifférence ou leur méconnaissance du sujet. Si les étudiants sud-américains ne tarissent pas de louanges vis-à-vis de l'Europe, qui représente pour eux un idéal d'éducation, d'aides aux logements et de sécurité sociale, il n'en va pas de même pour les étudiants français que nous avons rencontrés. le fervent Européen qui passe par là peut être choqué à l'écoute de certaines réponses. Non, les étudiants strasbourgeois ne se sentent pas Européens. Non, l'Europe n'a pas réalisé beaucoup de choses pour eux… Les chiffres confirment cette prise de température. En 2014, le taux de d'abstention aux élections européennes à Strasbourg a été de 41,79%, à peine «moins pire» que la moyenne nationale à 42,43% du taux d'abstention.
L’impératif d’un imaginaire collectif
Alors l’Europe et les citoyens, une proximité impossible? Un paradoxe à Strasbourg même si d’aucuns soulignent que le Parlement lui-même est à l’image de l’UE. Machine administrative exceptionnelle, garant de la stabilité en Europe et porteur de valeurs universelles, il génère également des zones d’extraterritorialité, de grandes structures réservées aux hauts fonctionnaires ou aux élites européennes, bien loin des préoccupations quotidiennes des Strasbourgeois.
Qu’en est-il alors du «projet européen» qui s’est affirmé avec force ce siècle dernier dans les grandes capitales de l’Union ? Peut-on blâmer les institutions d’être si lointaines? Pour certains, la faute n’est pas à jeter sur la structure de l’UE mais sur l’absence de débats autour de ces sujets, sur la faiblesse des enseignements nationaux sur la construction européenne, sur l’absence de dynamisme culturel qui accompagne la question.
Les débats tenus en ce samedi 18 mai en plein cœur de la capitale européenne ont le mérite de rappeler la volonté première de l’Union: établir un lien entre les peuples d’un même continent, mais ils montrent aussi que beaucoup de choses restent à accomplir, et que la construction, si elle a eu ses grands moments, n’est pas encore au bout de son chemin.
(Article rédigé par des étudiants du Cuej et de la filière européenne de Science Po Strasbourg)