En vélo, en bus, en métro, avec cousin Hubert, à pied, à 9 h 30, ils arrivent au bas de l'immeuble qui abrite la rédaction de Libération. A l'entrée, je croise Delphine Batho, ma députée des Deux-Sèvres. A l'heure des réseaux et du numérique, l'information a encore ses lieux : les locaux d'un gros groupe de presse, une salle de réunion de rédaction et des centaines de mètres carrés de bureaux où s'affairent des journalistes, des iconographes, des maquettistes…
Ils ? Des géographes qui, depuis deux lustres, une fois l'an, se retrouvent pour «faire» le Libé des géographes. Du précaire de l'enseignement supérieur au professeur des universités, du remplaçant TZR à la post-doctorante, ils sont tout excités à l'idée de participer à la fabrication d'un journal et à l'alimentation de son site Internet. Un journal, c'est quelques temps forts et surtout des centaines d'interactions et de choix, entre des professionnels et une actualité. Si la réunion de rédaction, le comité, à 10 heures, donne le la, on sait que la mort d'un président peut tout remettre à plat, en particulier pour la version papier. La bigarrure d'une rédaction à l'heure du numérique n'est pas un vain mot.
Mercredi, une quarantaine de personnes sont réunies autour des piliers de la rédaction. L’événement de une est en balance entre Rouen et Hongkong. Les rubriques du journal s’égrènent : Web, planète, France, société, culture, portrait… Les géographes s’enhardissent, digressent, argumentent. Sylvain Kahn donne la réplique à Laurent Joffrin. Les minutes passent et les responsables de rubrique commencent leur «marché».
Le deuxième temps fort commence ensuite : passer de l'idée au «papier», calibré, illustré, adoubé. Ecrire vite, réagir, dire clairement, le géographe sera-t-il aussi efficace que le journaliste ? Pas évident ! Les géographes sont éparpillés dans les services. Certains sont rentrés chez eux travailler leur texte. D'autres cherchent des endroits isolés. Ecouteurs aux oreilles, les bulles se forment. Le temps du déjeuner, tout le petit monde de Libé se retrouve. A «l'Auberge des géographes» chacun est le bienvenu. Des nouveaux-venus apparaissent : les numéros spéciaux cassent la routine. A 14 heures, les éminentes têtes grises sont plongées dans leurs écrans. Il n'y a plus beaucoup de bruit. Le journal se remplit peu à peu. Sur le site, les premiers articles apparaissent.
Pour les géographes, l'après-midi est studieuse. Les idées bouillent, les claviers crépitent et le nombre de caractères s'accumule. Dans la rédaction, c'est l'effervescence. La maquette progresse. Il manque des sujets en rubrique Expresso. Il y a des redites dans les articles sur Rouen. Plus de gomme, plus de ciseaux, seuls les fichiers, plus ou moins gros, circulent. Petit à petit le journal prend forme, le numérique se fond dans les fibres du papier. Les sujets «froids», prévus et écrits à l'avance, frayent désormais avec les sujets «chauds», qui collent à l'actualité du jour. Rien n'est tiède, tout est vif. Pétillant, il faut l'être face à la caméra. Le Libé des géographes, c'est aussi une histoire de vignettes vidéo à retrouver sur Instagram. Chacun raconte son article, qui il est. Journaliste d'un jour, géographe toujours ! Le soleil descend sur Paris. Il reste l'illustration de une. Bingo : une photographie aérienne de Rouen. La géographie ne s'arrête jamais.