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Libération
Forum Finance Solidaire : Interview

Heureux comme un euro solidaire ?

Finance solidairedossier
Patrick Sapy, directeur de l’association Finansol, détaille les mécanismes encore peu connus de la finance solidaire qui permet aux épargnants de «reprendre le contrôle» sur leur argent.
(Flickr/AndréDesrochers)
publié le 16 octobre 2019 à 10h31

Ah c’est sûr que la cigale de Jean de La Fontaine peut faire la fière. Dans les fables, mettre ses grains de côté suffit à être érigée en modèle de vertu. Sauf que depuis, d’autres systèmes d’épargne ont émergé. Parmi eux, la finance solidaire. Il ne s’agit plus d’économiser ses grains pour soi-même, mais de les faire fructifier au service de la société. L’heure est peut-être venue pour la cigale d’arrêter de se pavaner dans nos cahiers d’écoliers. Et aux citoyens d’utiliser leur argent pour s’engager.

C’est quoi la finance solidaire ?

Parmi les questions que se pose un nouvel épargnant, la plus courante est sans-doute : «combien ce placement peut-il me rapporter ?». Il est plus rare qu’il se demande : «mais que va faire ma banque de l’argent que je lui confie?». La finance solidaire se développe depuis une trentaine d’années pour répondre à cette interrogation. «En choisissant la finance solidaire pour épargner, les citoyens savent exactement ce que font les organismes de leur argent», explique Patrick Sapy, directeur de Finansol, une association de promotion de l’épargne solidaire. Ces placements pas comme les autres sont régis par une seconde exigence : leur utilisation au service de causes sociales ou environnementales. «La finance solidaire permet aux gens de reprendre le contrôle de leur épargne et de donner du sens à leur argent», poursuit Patrick Sapy. Il existe des établissements spécialisés mais la plupart des banques et sociétés d’assurance proposent aujourd’hui des solutions pour épargner «solidaires». Ces dispositifs sont labélisés, par des organismes privés comme Finansol ou des organismes publiques comme le ministère de l’Économie et des Finances avec le label ISR (investissement socialement responsable).

Est-ce que c’est rentable ?

Comme en finance «classique», les taux de la finance solidaire sont faibles, et les rendements quasi nuls, voir inférieurs. Dans le contexte de taux actuel, le rendement est de «1% à 2% par an en moyenne», affirme Patrick Sapy. Les épargnants peuvent aussi choisir entre différents dispositifs, plus ou moins risqués et donc, plus ou moins rémunérateurs. En revanche, les produits d'épargne solidaire peuvent donner lieu à des déductions fiscales. C'est le cas par exemple des livrets de partage : une partie des intérêts est reversée à des associations mais l'épargnant peut ensuite bénéficier de réduction d'impôts. En soutenant une cause avec son épargne, les citoyens peuvent aussi y trouver une autre forme de rentabilité, plus sociale que financière.

La finance solidaire peut-elle vraiment améliorer la société ?

Qu’ils aient choisi un dispositif risqué, ou pas, Patrick Sapy assure que «l’argent placé en épargne solidaire aura toujours un impact social». L’épargne solidaire représentait près de 13 milliards d’euros de placement en 2018 d’après le baromètre de la finance solidaire piloté par Finansol et le quotidien La Croix. C’est 8,7% de plus qu’en 2017. Création ou consolidation de 48 000 emplois, relogement de 3 050 personnes, approvisionnement en électricité renouvelable de 22 600 foyers… Finansol a interrogé tous les organismes proposant des produits de finance solidaire pour pouvoir en estimer les effets. Malgré ces résultats positifs, le secteur est freiné par son manque de notoriété. L’épargne solidaire ne représente aujourd’hui que 0,25% de l’épargne des Français. «Mis à part les banques très militantes, les banquiers dirigent toujours leurs clients vers des produits plus classiques et plus rentables», regrette le directeur de Finansol. Il plaide pour une réglementation qui favoriserait ces solutions d’épargne.