Tensions géopolitiques, transition écologique, révolution technologique… Pas un jour ne se passe sans que soit annoncée une nouvelle secousse dans le ciel de l’économie et de la finance. Si ces événements ne se réalisent – heureusement ! - pas toujours, et s’ils ne sont pas systématiquement liés entre eux, leur dynamique d’ensemble peut rappeler la définition qu’Antonio Gramsci donnait d’une crise : «le moment où l’ancien ordre du monde s’estompe, et où le nouveau doit s’imposer en dépit de toutes les résistances et de toutes les contradictions».
Pourtant, cette période doit-elle être nécessairement marquée, comme l’affirmait le philosophe italien, par «de nombreuses erreurs et de nombreux tourments» ? Si les secousses ne peuvent évidemment pas être précisément prédites, ne pouvons-nous pas nous orienter en amont de celles-ci vers des solutions qui garantissent que le choc sera moins dur, la transition plus douce, voire même maîtrisée ?
La finance solidaire, mise à l’honneur cette semaine, constitue un élément clé de réponse. Alors que la finance est encore majoritairement considérée comme une activité en soi, déconnectée de l’économie réelle et des enjeux auxquels fait face la société, la finance solidaire nous fait changer de paradigme. Au lieu de s’inquiéter du rendement maximum de nos financements, nous nous inquiétons de leur utilité durable. Au lieu de promettre aux épargnants que leur argent «travaille» pour les enrichir, elle leur propose qu’il prépare le monde aux changements en cours. Au lieu de créer de dangereuses bulles, la finance devient génératrice de fondations solides renforçant la stabilité de l’économie et de la société.
Car la finance solidaire est une finance résiliente. Tout d’abord parce qu’elle s’émancipe de la vulnérabilité du court terme : s’ancrant profondément dans le temps long, elle est moins à la merci des bourrasques qui font fluctuer les cours et les rendements. Mais aussi parce que, par son objet, les entreprises qu’elle finance, elle renforce les liens qui conjuguent sécurité individuelle et collective. Lorsque nous finançons France Active, nous contribuons à développer l’entrepreneuriat à valeur ajoutée sociale. Lorsque nous finançons Enercoop, nous assurons une transition énergétique progressive plutôt que brutale. Lorsque nous finançons APTIC, nous permettons aux citoyens de se former au numérique, évitant de creuser une fracture technologique préjudiciable.
Parmi les enseignements tirés de la crise de 2008, il y en a un qui ne devrait pas être oublié : les structures de l’économie sociale et plus largement celles de l’entrepreneuriat social ont globalement mieux résisté que les autres. La finance solidaire n’est donc pas un simple supplément d’âme de gens soucieux d’éthique et d’utilité sociale. C’est la construction patiente du tissu économique résilient dont nous aurons besoin demain.
Retrouvez le programme détaillé du Forum Libération «Finance solidaire : des idées et des actions pour faire bouger la société». Une soirée de débats organisée avec le soutien de la MAIF.