«J'ai souscrit le FCPE Carrefour équilibre solidaire. Cela me permet d'agir à titre individuel, puisqu'en souscrivant ce fonds solidaire, je finance par la même occasion des structures agissant pour l'insertion par l'emploi et le logement. En plus, le rapport risque-rendement de ce fonds s'avère intéressant…» Quand on lui a parlé de plan d'épargne entreprise, Michel Enguelz, salarié de Carrefour, n'a pas hésité à investir. Il faut dire que les structures susceptibles de bénéficier de l'épargne de Michel Enguelz ont de quoi répondre aux attentes citoyennes : lutte contre l'exclusion, aides à l'enfance, services à la personne, insertion par le logement et l'emploi, etc. Par exemple, l'association Habitat et Humanisme a relogé 22 000 familles en difficulté depuis 1985 et France Active a créé ou sauvegardé 40 000 emplois en 2018 grâce à cette épargne socialement responsable.
Comme Michel Enguelz, de plus en plus de salariés se préoccupent de la destination de leur épargne. Et les enjeux sont de taille : l’épargne salariale, c’est aujourd’hui 10,6 millions de comptes et plus de 125,5 milliards d’encours en 2018. Elle est composée de l’intéressement (prime liée à la performance de l’entreprise) et de la participation (quote-part des bénéfices). L’intéressement est facultatif tandis que la participation est obligatoire pour les entreprises de plus de 50 salariés qui font des bénéfices. Les sommes sont soit versées en direct aux salariés soit placées sur un PEE (plan d’épargne entreprise) ou un Perco (plan d’épargne pour la retraite collectif). Cet argent est indisponible pendant au moins cinq ans, sauf cas exceptionnel (mariage, naissance, divorce, achat immobilier…) Les placements sont exonérés d’impôts sur le revenu, mais les plus-values sont assujetties à des cotisations sociales (CGS, CRDS). Les versements des salariés peuvent être complétés par des contributions de l’entreprise (abondement). Important à savoir : les investissements solidaires sont réalisés dans des entreprises non cotées en Bourse, implantées dans les territoires et dont l’activité n’est pas délocalisable.
Si le salarié fait le choix d'un fonds solidaire, entre 5 % et 10 % de son placement seront investis dans des entreprises agréées Esus (entreprise solidaire d'utilité sociale), les 90 % à 95 % restant seront placés soit en actions d'entreprises ayant une démarche socialement responsable, soit dans des obligations ou encore dans des titres monétaires. Dans le cas de l'intéressement, dispositif collectif, l'employeur détermine avec les partenaires sociaux une «formule de calcul», qui définit les critères à atteindre pour que les salariés puissent toucher ces sommes. «Avant, on trouvait dans ces accords des objectifs plutôt financiers, comme l'amélioration de l'Ebitda [bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement] ou du chiffre d'affaires. La tendance actuelle est d'accoler à ces conditions des critères de performance liés au développement durable, par exemple la diminution du papier dans un service.» Si l'objectif est atteint, une partie de l'enveloppe est débloquée. En revanche, dans le cas contraire, les salariés ne touchent rien. «C'est un moyen d'inciter chacun à jouer le jeu collectivement», explique Sonia Blondeau, du cabinet d'avocats BRL.
Pour s'assurer que leur épargne est bien dirigée vers des fonds solidaires, les salariés peuvent opter pour les FCPE labellisés par Finansol (lire ci-contre) ou par le CIES (Comité intersyndical de l'épargne salariale), une instance créée en 2002 regroupant quatre organisations syndicales (CFDT, CGT, CFTC, CFE-CGC). Le label CIES est en cours de refonte, avec un nouveau cahier des charges prévu pour la fin de l'année. «Nous labellisons des gammes de produits et nous travaillons lors de comités de suivi avec les gestionnaires pour étudier leurs portefeuilles. Par exemple, en cas de controverse à propos de certaines entreprises, on leur demande s'ils possèdent des actions de ces sociétés, et si c'est le cas, s'ils comptent s'en débarrasser», précise Emmanuelle Drouet, secrétaire confédérale de la CFDT. Pour elle, «cette épargne solidaire va continuer à progresser car les salariés vont devenir de plus en plus regardants sur la destination de leur épargne. Côté gestionnaires des fonds, la jeune génération est très motivée sur les critères de classement des entreprises dans lesquelles ils souhaitent investir».