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TRIBUNE

«Passons maintenant à la pleine lumière»

Finance solidairedossier
par Fanny Gérome, directrice générale adjointe de France Active.
par Fanny Gérôme, Directrice générale adjointe de France Active
publié le 5 novembre 2019 à 17h21

Les Français n’entreprennent pas. Ne dit-on pas que les Français ne sont pas entreprenants, car créer son entreprise en France, c’est compliqué ? Surtout quand on est au chômage, loin des centres métropolitains ?

Les Français ne s’engagent pas. Ne dit-on pas que notre monde est devenu plus individualiste ? La crise n’entraîne-t-elle pas forcément un repli sur soi ? La société numérique ne transforme-t-elle pas nos relations en un rapport virtuel et désincarné ?

Les Français n’engageront jamais leur épargne au service du bien commun. Ne pense-t-on pas que l’investissement à impact est né, en Angleterre, après la crise financière de 2008 ? Ne croit-on pas que quand il s’agit d’argent, chacun laisse ses bons sentiments de côté ?

Vous ne croyez pas à ces idées reçues, nous non plus. Sinon, comment expliquer alors que la France compte plus de 600 000 créations d’entreprises chaque année, et que ce nombre a doublé en vingt ans ? Comment appréhender la place et la dynamique de l’économie sociale et solidaire dans notre économie : 10 % du PIB, 200 000 structures, 13,5 % de l’emploi privé, dans des domaines aussi variés que le numérique, le traitement des déchets, la santé ou la culture ?

Comment comprendre que les Français ont déposé 11,5 milliards d’euros sur des produits d’épargne solidaire ? L’épargne solidaire existe en France depuis plus de vingt ans, grâce notamment à des évolutions législatives de l’épargne salariale solidaire de 2001 à 2008, qui ont permis un développement des flux d’épargne solidaire en France sans équivalent dans le monde.

France Active fait mouvement contre les idées reçues depuis trente ans et bien sûr nous sommes fiers des milliers d’entrepreneurs engagés que nous finançons chaque année, avec 300 millions d’euros investis en 2018. Mais nous ne pouvons nous satisfaire de ce bilan quand les écosystèmes qui nous font vivre subissent des dégradations irréversibles. Nous ne pouvons accepter que les inégalités continuent de croître et remettent en cause la cohésion nationale comme on l’a vu depuis l’automne dernier. Nous ne pouvons nous contenter de quelques effets de démonstration sympathiques aux marges d’un système financier centré sur le profit.

Nous pensons qu’il est maintenant temps, qu’il est indispensable et qu’il est possible de revendiquer notre majorité et de transformer la finance, de s’appuyer sur la majorité des épargnants qui demande une traçabilité et une utilité sociale de son argent, de prendre au sérieux et d’accompagner les entrepreneurs qui majoritairement veulent donner du sens à leur entreprise. En 2011 nous parlions des petits feux de l’économie solidaire qui commençaient ici et là à jeter quelques lueurs, à faire apparaître un coin de ciel bleu dans notre société rongée par la morosité, l’absence d’espoir. Passons maintenant à la pleine lumière en mobilisant le puissant moteur de la finance solidaire.

Parce que nous croyons que la solidarité est une force économique en mouvement.