A première vue, les deux notions ne semblaient pas faites pour s’entendre… Les marchés financiers et le monde de l’investissement ne paraissent pas mobilisés, en priorité, par les enjeux de solidarité. Et pourtant, depuis une quinzaine d’années, l’investissement socialement responsable (ISR) ne connaît pas la crise. Il affiche 15 à 20 % de croissance chaque année et pèse, aujourd’hui, 12,5 milliards d’euros déjà collectés et investis de manière particulière. La rentabilité n’est pas, en effet, l’unique objectif de ces produits financiers. L’utilité sociale est l’autre raison d’être de ces placements de toutes sortes. En clair, les épargnants engagés dans la finance solidaire sont prêts à tirer un trait sur une partie de leur retour sur investissement, afin qu’il puisse être redistribué à des fondations, associations ou encore entreprises à vocation sociale. En échange, ils peuvent bénéficier d’un avantage fiscal au même titre que s’ils effectuaient un don direct à une association caritative.
L’objectif poursuivi par les promoteurs de la finance solidaire est donc double. D’une part, organiser une source de financement pour le monde de l’économie sociale et solidaire, qui ne peut être dépendante des seuls dons et contributions volontaires. Et de l’autre, fournir des produits financiers adaptés à ceux qui veulent placer leurs économies de manière différente. Cet écosystème ne peut néanmoins fonctionner que s’il offre des garanties aux épargnants.
Rentabilité partagée
Toutes les structures destinataires de ces investissements socialement responsables sont labellisées. L'association Finansol a ainsi audité, contrôlé et certifié 160 placements, entreprises ou encore associations conformément à un cahier des charges, «ce qui constitue un facteur de confiance pour les épargnants», estime son président, Frédéric Tiberghien.
Reste que la finance solidaire a encore de solides marges de progression devant elle, malgré son taux de croissance à deux chiffres. A ce jour, elle représente en tout et pour tout… 0,25 % de l’épargne totale des ménages, estimée à 5 500 milliards d’euros.
L'investissement socialement responsable a reçu un sérieux coup de pouce en 2010, avec une modification de la législation sur l'épargne salariale (lire ci-contre). Depuis cette date, les entreprises qui ont mis en place des systèmes d'intéressement ou de participation sont tenues de proposer à leurs salariés des fonds dits «90-10». Derrière cette mystérieuse appellation, on trouve, en fait, des fonds communs de placement (FCP) dans lesquels 90 % des sommes collectées sont investies dans des entreprises «classiques» cotées en Bourse. Le solde, 10 %, est affecté à des associations ou entreprises d'insertion labellisées par Finansol. Ce canal est aujourd'hui le principal véhicule d'investissement sur lequel peut s'appuyer la finance solidaire. Il représente 7,5 milliards d'euros investis.
Les épargnants peuvent également choisir de souscrire directement à des placements estampillés «finance solidaire». Le Crédit coopératif, qui compte 350 000 clients, a d’ailleurs forgé son identité sur ces placements pas comme les autres. Des livrets d’épargne sont ainsi proposés, dans lesquels la rentabilité versée est partagée entre le titulaire du livret et un panel de 53 associations ou fondations choisies parmi les 160 labellisées par l’association Finansol. Le montant moyen déposé sur ces livrets dépasse les 11 000 euros.
Enfin, il est toujours possible de souscrire en capital, ou de prêter des fonds, directement à une entreprise d’insertion, avec un taux d’intérêt préalablement défini.
Manque à gagner limité
Pour ceux qui souhaitent investir de manière plus parcimonieuse, la solution du «micro don» s’impose. Il existe ainsi des cartes de crédit d’un genre particulier. A chaque retrait dans un distributeur automatique, la banque émettrice de la carte reverse 3 centimes d’euros à une structure labellisée économie solidaire et préalablement choisie par le titulaire de la carte.
En ces temps de taux d’intérêt particulièrement bas, la finance solidaire vit une période favorable. La plupart des placements financiers classiques, au premier rang desquels l’assurance-vie, offrent des rentabilités modestes : entre 1,5 % et 2,5 %. De fait, l’investissement dans l’économie solidaire n’en est que plus attractif. Le manque à gagner, s’il existe, sera forcément limité.
Pour l’avenir, la finance solidaire ne devrait pas être en panne de créativité. «Nous allons proposer des produits de plus en plus tracés géographiquement», prévoit Daniel Domingues, directeur du développement du Crédit coopératif. Un livret d’épargne a ainsi été lancé, afin de financer des entreprises situées dans les Hauts-de-France et qui œuvrent dans le développement durable. Il a déjà collecté 13 millions d’euros. Ces fonds ont permis d’accompagner 21 projets. La proximité, prochain défi de cette économie où le taux de retour sur investissement (TRI) n’est pas la valeur de référence.