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Libération
Finance solidaire: Reportage

Zero Waste «une seconde chance» pour les vieux objets

Finance solidairedossier
En Gironde, l’association organise des tournées dans les collectivités locales pour promouvoir la récupération et l’échange.
supplément finance solidaire partenariat MAIF novembre 2019 DER ZERO WASTE (Sarah Bouillaud pour LIbération)
publié le 5 novembre 2019 à 17h21
(mis à jour le 26 novembre 2019 à 13h00)

Ils se sont retrouvés ce vendredi après-midi, une vingtaine de personnes, majoritairement aux cheveux grisonnants, dans une salle de réunion de l’agglo de Langon (Gironde) pour écouter «la bonne parole» de l’association Zero Waste («pas de gaspillage»). Comment faire du neuf avec du vieux ? Réparer, troquer, vivre plus intelligemment en produisant moins de déchets ? La première raison est écologique, mais l’aspect économique est évidemment omniprésent.

La démarche n'est pas isolée. Elle s'inscrit dans une idée «politique» plus large. En effet, depuis septembre 2018, la NEF (coopérative financière qui propose des solutions d'épargne et de crédit orientées vers des projets ayant une utilité sociale, écologique ou culturelle), acteur de la finance solidaire depuis plus de trente ans, a lancé sa campagne de mobilisation, «Alors c'est quand la banque éthique ?» Parmi ses premiers signataires, Emmaüs France, Biocoop et… Zero Waste France.

Dans ce territoire rural, l’idée n’est pas neuve et on a mis depuis un certain temps à l’agenda des usages qui privilégient l’échange à l’achat, la récup au rejet…

Bidouille

Il faut dire que la méthode a de nombreux avantages. Les retraités recréent le lien qui leur manquait, par exemple en se rendant dans ces «Repair Café» où la bidouille est reine. Ces nouvelles habitudes permettent également de créer soi-même, faire plus attention aux objets et aux vêtements, réduire les achats de neuf. «On entre dans une logique "mes objets doivent durer plus longtemps". On va donc attendre un peu pour réparer le lave-linge, en consultant par exemple des autodiagnostics en ligne sur les pannes. On se familiarise avec de nouvelles techniques pour améliorer l'entretien, un meilleur usage des vêtements», explique Ariane, responsable de Zero Waste. L'association diffuse également des techniques pour le tri. Ou explique que porter les dernières Nike n'est pas forcément un gage de personnalité : on peut aussi trouver son style en portant des vêtements vintage…

Ce jour-là, c'est le Sictom Sud-Gironde (syndicat intercommunautaire de collecte et de traitement des déchets ménagers) qui a invité l'association à Langon. Le syndicat a depuis longtemps installé une zone de «réemploi» des objets pour leur donner «une seconde chance». Il est parvenu également l'an passé à réaliser 18 tonnes de déchets en moins et vise 36 cette année. Une paille, il est vrai, sur un volume global de 38 000 tonnes pour la région. Mais l'important est l'évolution des mentalités. «Les usagers sont aujourd'hui plus mal à l'aise à l'idée de jeter un meuble, ils ont conscience que quelqu'un pourrait l'utiliser…» Jérôme Guilhem, le président du Sictom, insiste sur la pédagogie. «Le travail n'est pas marginal, on a enclenché quelque chose. Sur un territoire rural, la problématique vêtement existe, les recycleries aussi, l'électroménager est toujours conditionné à cette obsolescence programmée, et nous, au milieu de tout cela, on essaie d'informer.» Il poursuit : «Notre fête de la récup en est à sa troisième édition. On y fait venir des réparateurs, des artistes qui œuvrent à 100 % avec de la récup. Les jeux qu'on jette au lendemain de Noël - un volume énorme - seront reconditionnés et remis dans la boucle»…

Urgence

Et de fait, les choses bougent. Les habitants se mettent à rapporter des bouteilles, utilisent des composteurs - 40 % des habitants en sont équipés sur le territoire du Sictom. Guilhem le note opportunément : «Quand il faut voter le budget, il passe à l'unanimité, sur les 85 communes.» Son objectif ? Pérenniser les actions, les partager. Cela peut passer par le soutien aux associations. Il persiste : «On doit être le catalyseur des énergies sur le territoire. Demain, 44 acteurs viendront pour parler de leur activité. Les gens d'ici doivent prendre connaissance de ce qui existe.»

Zero Waste France est là pour les y aider. «Depuis le 15 mai on consomme à crédit, il nous faudrait l'équivalent de trois planètes pour suivre notre rythme de consommation», répète l'association. Elle a ainsi lancé l'opération «je ne participe pas au Black Friday» et veut proposer un outil pour résister toute l'année. Il y a urgence : Combien de matières premières pour fabriquer un smartphone ? Pas moins de 183 kilos, extraites d'acier, d'aluminium, de plastique, du pétrole… Et une famille possède en moyenne 99 objets électriques ou électroniques !

La recyclerie du Bazadais à Bazas, en Gironde toujours, est une structure de réemploi qui apprend entre autres à «customiser les meubles». Le responsable des «cyclos du canal», évite quant à lui aux vélos de finir à la benne en les réparant. L’association Répar-acteur, établie à Langon, a jeté son dévolu sur les ordinateurs. «Un ordi, si on veut qu’il consomme moins d’électricité, il faut le soigner, explique son responsable. J’en ai nettoyé un récemment qui était en rade. Il avait accumulé dix ans de poussière à l’intérieur. Et bien… il a redémarré.» Il suffit parfois d’un rien.