Nathanaël* ne supporte pas le bruit. Il panique, dès qu’il se retrouve dans un lieu trop bruyant. Il a du mal à gérer son stress aussi. Quand l’angoisse le submerge, il peut abandonner sans prévenir ce qu’il était en train de faire et partir. Nathanaël est porteur d’une forme sévère d’autisme. Pourtant, à 25 ans, il a été embauché pour faire de la mise en rayon dans un grand magasin. On a connu plus calme comme environnement de travail ! Nathanaël a réussi à s’y épanouir grâce à un travail collectif entre l’équipe médico-sociale qui l’accompagne et son employeur. «On a fait en sorte qu’il puisse avoir une pause de cinq minutes toutes les heures, au lieu d’une pause de vingt minutes par demi-journée», explique François Gillet, qui a suivi son parcours en tant que directeur général des associations Sainclair. Elles œuvrent en Alsace pour insérer professionnellement et socialement des personnes en situation de handicap mental ou psychique. Des histoires comme celle-ci, François Gillet en a des tonnes à raconter. «Quand on arrive à adapter le travail d’employés en situation de handicap, ça fonctionne», insiste-t-il.
Quand il dirigeait encore son imprimerie en Dordogne, Jean-Marc Neury accueillait quelques jours par mois une équipe de personnes en situations de handicap mental ou psychique, pour imprimer un journal. Il a vendu son entreprise il y a trois ans, mais conserve des souvenirs forts de ces journées de travail. «Ce n’était pas toujours facile. Mais je les voyais être heureux quand ils partaient à la fin de la journée, c’était le plus important», confie-t-il. Il explique avoir pris le temps de les observer pour mieux les orienter: «Je leur demandais toujours de me montrer comment ils faisaient, pour plier le journal par exemple. Si je voyais que c’était compliqué pour eux, que le journal était plié de travers, je leur donnais une autre mission.»
Au Café joyeux de Rennes, qui emploie sept porteurs d’un handicap psychique ou mental sur les neuf salariés, les dirigeants ont aussi dû imaginer des solutions pour adapter le travail. Le restaurant a ouvert en décembre 2017, trois mois avant sa version parisienne. Cuisiniers, serveurs… Quand les premières embauches ont eu lieu, ce sont des fiches de poste classiques qui ont été diffusées. «Au fur et à mesure, je réalisais que certains équipiers en situation de handicap n’étaient pas forcément épanouis dans le poste qu’ils occupaient», explique Antoinette Le Pomellec, responsable de l’établissement. Problème : si certains n’ont aucun mal à verbaliser leurs difficultés et à exprimer leurs désirs, pour d’autres, ce dialogue est plus compliqué. «On les observe, et on repère des signaux. Quand ils régressent sur un poste et progressent sur un autre, ou quand ils cherchent du regard un collègue chargé d’un autre travail, cela peut signifier qu'ils ne sont pas forcément épanouis au poste qu'ils occupent», souligne Antoinette. Une des solutions mises en place ? Une organisation plus souple à travers des postes polyvalents, pour mieux s'adapter à chacun des employés. «Un même équipier peut être responsable de plusieurs tâches très différentes. Grâce à ce système, il y a plus d’entraide dans l’équipe et le travail est moins monotone», assure la responsable.
Pour François Gillet, ajuster le travail d’une personne en situation de handicap ne demande pas un investissement démesuré de l’employeur : «On essaye d’expliquer aux entreprises qu’embaucher une personne en situation de handicap ne demande pas plus de temps, simplement, une énergie différente». Fournir un casque antibruit ou octroyer un bureau fermé peut suffire pour leur permettre de travailler et ainsi, de mieux s’intégrer dans la société.
* Le prénom a été changé