Au dernier salon du Bourget, il n’y a pas que les avions qui se sont envolés. Les commandes d’Airbus et Boeing aussi, malgré l’arrêt du gros-porteur A380 pour l’avionneur français et les déboires du 737 Max pour l’américain. En 2018, Airbus a ainsi livré 62 appareils de plus qu’en 2017, un nouveau record. Portés par une croissance annuelle de + 6 % du trafic aérien, les deux géants recrutent, et par ricochet, les entreprises sous-traitantes également.
Airbus, premier employeur du secteur, embauche 6 000 personnes par an au niveau mondial (1 500 à 2 000 en France dont 500 en Occitanie) et va continuer à ce rythme, selon un porte-parole du groupe européen. Cette bonne santé de l’aéronautique fait les affaires de la région, avec 107 350 salariés fin 2017 (selon l’Insee). C’est le deuxième bassin d’emplois après l’Ile-de-France, d’après le Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (Gifas), la fédération professionnelle qui regroupe 400 sociétés employant 200 000 personnes.
Usine 4.0
«Depuis 2017, nous connaissons à l'échelle nationale un fort niveau de recrutement qui va certainement durer. En Occitanie, qui représente 28 % des effectifs de nos adhérents, la croissance est similaire. Les problèmes existants concernent surtout les difficultés de recrutement. Latécoère, par exemple, a du mal à trouver des employés sur son site de Gimont dans le Gers», estime Philippe Dujaric, en charge de l'emploi et de la formation au Gifas.
«La filière devrait créer 15 000 emplois en France en 2019. Par extrapolation, on peut imaginer que près de 5 000 emplois concerneront l'Occitanie, car la région représente un tiers des emplois français, une tendance qui ne se dément pas depuis de nombreuses années», ajoute Thomas Bascaules, directeur général d'Ad'occ, l'agence de développement économique de la région Occitanie.
Résultat : la chaîne d’approvisionnement est sous tension pour faire face aux augmentations des cadences de production, avec un taux élevé d’utilisation des capacités de production de 88 %. Les industriels s’adaptent en modernisant leur outil de production.
En mai 2018, Latécoère a inauguré une usine 4.0 fortement automatisée et robotisée dédiée à la production de pièces élémentaires en aluminium pour les portes d’avions des principaux constructeurs (Dassault, Embraer, Airbus, Boeing) à Montredon près de Toulouse. Selon Thomas Bascaules, d’autres entreprises affichent leur dynamisme : Aura Aéro, basée à Toulouse-Francazal, qui conçoit une nouvelle génération d’avions biplaces 100 % français écoresponsables ; Sabena Technics, dans la maintenance aéronautique, qui vient d’ouvrir son capital pour accroître ses capacités. Cette ETI (entreprise de taille intermédiaire) de 2 500 personnes a racheté en janvier 2019 le perpignanais New EAS pour se doter de nouvelles capacités ; ou encore Aertec, qui a inauguré le 26 septembre son nouveau site toulousain de 3 500 m² de locaux sur le parc d’activités de Saint-Martin-du-Touch à Toulouse.
L’innovation est déterminante pour les acteurs de la filière. Les aéronefs à énergie optimisée (électricité, hydrogène, nouveaux matériaux composites) sont le chantier des années à venir. Safran, qui possède cinq sites dans le secteur, développe par exemple un moteur conçu pour permettre une économie de kérosène de 30 % par rapport à un turboréacteur traditionnel, attendu en 2030. Airbus travaille sur ces avions du futur moins polluants, même si aucun programme spécifique n’a encore été lancé selon l’industriel.
«Ecosystème global»
Pour aider les petites entreprises à s'adapter à la transition numérique et écologique de leurs métiers, le Gifas a lancé le programme industrie du futur, un plan national d'un montant de 23 millions d'euros pour 300 PME entre 2019 et 2022. De son côté, la région Occitanie, qui revendique le «leadership mondial de l'aéronautique, l'espace et les systèmes embarqués», a mis en place depuis 2011 le plan Ader (Actions pour le développement des entreprises régionales de sous-traitance, qui rend hommage au célèbre aviateur éponyme), un protocole d'accord entre l'Etat et la région.
Le plan Ader 4 (2017-2021) est doté d'une enveloppe de 200 millions dont 30 consacrés à la fabrication de démonstrateurs dans le domaine de l'avion électrique, pour que l'Occitanie «s'impose comme le pôle de référence européen et l'un des principaux points nodaux mondiaux de "l'écosystème global"» des industries aérospatiales à l'horizon 2030-2040.