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Applis contre gaspi, le combat commence

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Too Good To Go, Optimiam, Zéro Gâchis, Frigo Magic, Karma ou Phenix : ces start-up proposent des applications pour faire évoluer les comportements en aidant consommateurs et distributeurs à moins gâcher.
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publié le 28 novembre 2019 à 18h11

Ce mercredi 16 octobre - triste et pluvieux - c’est la journée nationale de lutte contre le gaspillage alimentaire. Une célébration lancée il y a trois ans. A cette occasion, l’hypermarché Carrefour de la Porte d’Auteuil à Paris a installé un petit stand près du rayon fruits et légumes. Plusieurs start-up partenaires de l’enseigne expliquent aux quelques clients intéressés, plutôt jeunes, les actions à prendre pour changer leurs mauvaises habitudes. Bertrand Swiderski, responsable RSE (pour «responsabilité sociétale des entreprises»), détaille les dispositifs antigaspi en vigueur dans les magasins du groupe : une réduction de 30 % sur les aliments frais à date courte et des prolongations de dix à vingt jours de la DLC (date limite de consommation) sur plusieurs produits (jambons, pâtes feuilletées, beurre, etc.).

Le service qualité Carrefour a réalisé au préalable des analyses bactériologiques et de texture ainsi que des tests de vieillissement : «Nous garantissons une sécurité sanitaire et le même goût, le tout sans ajouter aucun composant», assure le responsable RSE.

Panier surprise

Une initiative intéressante quand on sait qu’un seul jour supplémentaire de durée de vie permet d’éviter… 80 000 tonnes de gaspillage chez les distributeurs, selon une étude de l’ONG anglaise WRAP. L’enseigne a aussi conclu un partenariat avec la start-up Too Good To Go, qui propose d’acheter des paniers d’invendus à petit prix (500 000 depuis un an dans les magasins Carrefour partenaires). Le principe est simple : une fois l’appli téléchargée, on choisit son panier surprise composé des invendus du jour, on le paye via l’application et on passe le récupérer. Depuis sa création début 2016, la start-up annonce 9,7 millions de repas sauvés de la poubelle chez 11 411 commerçants et 5,3 millions d’utilisateurs de l’appli - des étudiants fauchés aux retraités soucieux de préserver la planète.

Too Good To Go, qui opère dans neuf pays européens, a été cofondée par Lucie Basch, jeune ingénieure de 27 ans diplômée de Centrale Lille qui a commencé sa carrière dans les usines Nestlé en Angleterre : «C'est là que j'ai compris l'ampleur de ce phénomène. Je me suis dit que je ne pouvais plus cautionner ça plus longtemps.»

La jeune femme démissionne et part au Danemark où elle rencontre des trentenaires qui travaillent sur cette idée d'appli antigaspi. En avril 2016, elle lance Too Good To Go en France. La start-up emploie une cinquantaine de personnes et se rémunère en prenant une petite commission sur la valeur du produit destiné à la poubelle. Elle collabore avec la plupart des enseignes de la grande distribution ainsi que des boulangeries, des commerces de bouche ou des chaînes d'hôtels comme Accor. «Notre mission est d'inspirer et d'engager toute la société contre ce gaspillage alimentaire», explique la «waste warrior» (guerrière des déchets) qui veut aussi impliquer les pouvoirs publics et les entreprises dans son combat. Lucie Basch voudrait par exemple que la législation sur les dates de péremption, qui pèsent 20 % du gaspillage des particuliers, évolue. «J'ai aussi passé beaucoup de temps à l'Assemblée nationale et au Sénat pour que le projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire [qui ne concerne que les invendus non alimentaires, ndlr] intègre le volet alimentation», raconte la startupeuse militante.

Repas sauvés

Too Good To Go vient de sortir un Guide antigaspi (éditions Leduc) avec des règles d'or comme organiser son frigo, faire la différence entre DLC et DDM (date de durabilité minimale), planifier ses repas, sans oublier des recettes zéro déchet.

Une initiative loin d'être isolée. De plus en plus de jeunes pousses tech se lancent sur ce créneau, comme Optimiam, Zéro Gâchis, Frigo Magic, Karma ou Phenix. Cette dernière travaille avec Franprix depuis 2015. Phenix collecte les invendus dans les magasins - «en vélo ou en véhicule propre», précise Arthur Caron, directeur de l'excellence opérationnelle de Franprix - pour les remettre ensuite à des associations. En 2018, 980 tonnes de produits récoltés dans 400 points de vente ont été distribués aux associations, soit l'équivalent de cinq millions de repas.

Pour les particuliers, l'appli Phenix fonctionne elle aussi sur le principe du panier surprise (assortiment varié, fruits et légumes ou bar à salade) au prix de 5 euros pour une valeur marchande de 10 à 12 euros. «Nous avons plus de 200 000 utilisateurs, soit 30 000 repas sauvés dans 300 magasins du réseau Franprix à Paris, Lyon et Marseille», se réjouit Quentin Legrand, responsable proximité chez Phenix. Les waste warriors digitaux vaincront-ils le gaspillage alimentaire ? La lutte ne fait que commencer.