Elle exhume les morts pour révéler le monde des vivants. Dans son ouvrage
Handicap: quand l’archéologie nous éclaire
(édition Le Pommier), Valérie Delattre, chercheuse à l’Inrap (1) raconte, à partir de l’analyse de sépultures, le rapport de nos ancêtres aux
«corps différents». «Quelle place un individu handicapé occupait-il dans nos sociétés les plus anciennes?»
, interroge la chercheuse.
«Etait-il rejeté? Soigné? Accompagné? Appareillé?»
C'est après que son ami, le champion paralympique Ryadh Sallem, lui demande «comment c'était avant pour les gens comme lui», que Valérie Delattre se penche sur la question de l'accueil de la vulnérabilité dans l'histoire. Jusqu'à en écrire un livre, dédié à l'athlète. «C'est à la fois une réflexion scientifique et militante, soutient-elle. Une passerelle entre mes deux mondes.»
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Alors pour comprendre la manière dont on traitait les personnes handicapées, des éléments aussi bien biologiques que culturels sont passés au crible. L'archéologue croise l'étude des squelettes avec celle des pratiques funéraires. Et saisit le statut social des individus au corps «différent» : «Le creusement de la tombe, son orientation, sont autant d'indicateurs qui montrent s'ils étaient exclus du groupe.»
Elle dévoile ainsi que les plus faibles étaient loin d'être marginalisés. «L'homme a toujours fait preuve de solidarité dans l'histoire, développe-t-elle. A un point que je n'imaginais pas.» Mais comment expliquer cette «paléo-compassion» ? «Avant, le handicap était partout, répond la scientifique. Vous enlevez vos lunettes, votre appareil de surdité, votre dentier… Vous devenez handicapé.» Alors, à l'époque où une fracture rendait infirme, les hommes ont dû prendre soin d'eux-mêmes et des autres, «pour la survie et la perpétuation de l'espèce» et, souvent, dans des considérations spirituelles. Mais la chercheuse se garde de tout idéalisme. «Attester de l'existence de liens d'assistance ne signifie pas réécrire l'histoire humaine, précise-t-elle. Il y a de nombreuses traces […] d'exclusions, de railleries et même d'éliminations massives.»
(1) Institut national de recherches archéologiques préventives.