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Forum Instincts solidaires: rencontre

«La vieillesse, je ne savais pas ce que c’était»

Instincts solidairesdossier
Wahida Benayd Kahloul, auxiliaire de vie à Mulhouse, intervient à domicile auprès des personnes âgées. Samedi 30 novembre, de 16 heures à 17 h 30, elle apportera son regard sur la fragilité dans notre société, lors du forum sur l’entraide organisé par Libération à Kingersheim.
(Zulio / Flickr)
par Thémïs Laporte
publié le 30 novembre 2019 à 11h53
«Soit tu arrêtes. Soit tu continues, mais tu sèches tes larmes»

. Il y a quatre ans, Wahida Benayad Kahloul décide de devenir auxiliaire de vie sociale, après le décès de son grand-père. Pour cette mère célibataire de 34 ans, les débuts au sein de l’Association pour l’accompagnement et le maintien à domicile (Apamad) de Mulhouse, sont difficiles.

«Honnêtement, la vieillesse, je ne savais pas ce que c’était. J’imaginais les personnes âgées qu’on croise au marché, avec leur panier et leur canne.»

Elle se heurte à une réalité différente. 27 h par semaine, six personnes «fixes» dans son planning, elle sillonne les routes pour apporter son aide. Courses, ménage, toilette, rendez-vous ou jeux pour stimuler la mémoire, elle fait office de soutien. Physique parfois, quand ses 50 kilos soulèvent tant bien que mal des femmes et des hommes alités. Moral, souvent. Parce que Wahida est «comme ça», elle aime poser des questions, discuter. «Pas par curiosité, tient-elle à préciser. J'aime bien connaître le vécu de chacun pour mieux le cerner, savoir ce que je peux lui apporter.» Cloîtrés entre quatre murs quand leur corps ne suit plus, quelques anciens refusent de voir leurs rides se creuser. Dans ces moments critiques, elle tente de rassurer. «Il m'est arrivé de dire : vous vieillissez mais vous avez voyagé, vous avez eu des enfants, vous vous êtes mariés ? Certains n'auront jamais cette chance.»

La «satisfaction d'apporter un petit plus» est enrichissante. La rémunération l'est moins, la profession «peu reconnue», le temps accordé aux aidés parfois inadéquat, regrette l'auxiliaire de vie. «On nous demande de faire une toilette en une demi-heure. Du moment où la personne est autonome, marche, il n'y a pas de soucis. Avec des appareils, un lève-malade, comment on fait ? Il faudrait 45 minutes.»

Chaque seconde est précieuse pour tisser des liens, qu’elle garde parfois, malgré des départs en maison de retraite. Il y a trois semaines, elle a dit au revoir à un vieil homme. Elle lui rendait visite depuis deux ans. La famille l’a contactée, elle s’est rendue à l’enterrement. Wahida l’assure : «Mon métier, ne s’arrête pas comme ça.»