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Libération
Forum instincts solidaires: compte-rendu

Aidants professionnels ou familiaux : une solidarité assignée aux femmes

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Des aidants, ces personnes qui assistent chaque jour des personnes dépendantes, sont sortis du silence à l’occasion du forum «Libération» «Instincts solidaires».
Wahida Kahloul, auxiliaire de vie, au Forum «Libération» à Kingersheim le 30 novembre. (PAsacl BASTIEN/Photo Pascal Bastien pour Libération)
publié le 3 décembre 2019 à 17h07

La France compte 11 millions d’aidants, selon Florence Leduc, présidente de l’association française des aidants (AFA). Ce sont souvent des femmes, confrontées à un accident, au handicap ou à la maladie d’un proche. Par manque d’information, sous la pression sociale, elles sont nombreuses à finir épuisées et sans revenu après avoir quitté leur travail pour s’occuper d’un père, d’un fils, d’une sœur. «Comment notre société est-elle devenue une usine à fragilité ?», interroge la responsable associative.

Pour le médecin et chercheur en biologie Jean-Claude Ameisen, la fragilité constitue pourtant la caractéristique humaine par excellence. L'auteur de l'émission Sur les épaules de Darwin rappelle que l'être humain se développe plus lentement que tout être vivant après sa naissance : «Le socle humain, c'est le soin apporté au nouveau né qui construit ainsi son empathie. Cette fragilité est aussi à l'origine de nos comportements les plus touchants, nobles et humains.»

Les propos du scientifique se mêlent au témoignage de l'auteure Noëlle Châtelet. Toute sa vie, l'écrivaine et sociologue a travaillé sur les personnes vulnérables, hors-norme. Sa mère était sage-femme, son père directeur d'un «établissement pour ados en danger moral.» De ses recherches et son expérience, Noëlle Châtelet a tiré cette conviction : «Si l'on ne regarde pas notre vulnérabilité et la mort en face, on passe à côté de soi-même.»

Né à Londres et diagnostiqué autiste, Daniel Tammet a trouvé dans la poésie un moyen de vivre avec sa vulnérabilité. Enfant, son trouble l'a d'abord «coupé du monde». Mais «l'autisme a ensuite été une force, une différence que j'ai portée à travers mes livres.» Le poète exhorte les plus fragiles à sortir du silence : «On a tous quelque chose de singulier à dire, il faut juste trouver les mots.»

Invitée sur scène pour conclure, Wahida Kahloul peine justement à trouver ses mots. Car son témoignage est aussi sincère que profond. Absente lors du décès de son grand-père en Algérie, Wahida Kahloul a ainsi décidé de devenir auxiliaire de vie sociale : «Je voulais faire un métier où je pouvais aider, en pensant à lui.» Malgré les larmes contenues et un salaire «qui n’est pas à la hauteur de nos efforts», la jeune femme continue ce combat quotidien d’aidante. Et appelle le public à s’unir pour dénoncer les temps d’intervention trop courts décidés par «ceux d’au-dessus, qui pensent qu’on peut lever une personne alitée, lui faire sa toilette et à manger en trente minutes».