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Forum Rémunérations : Tribune

Cécile Duflot : «Inscrivons un écart maximal des salaires de 1 à 20 dans l'entreprise»

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Les inégalités sont le résultat de choix politiques et économiques, une tribune de Cécile Duflot, directrice générale d'Oxfam France. Elle participera mercredi 4 mars au Forum Libération sur les inégalités salariales.
Photo d'illustration (Photo Getty Images)
publié le 20 février 2020 à 8h08

En 1989, le PDG de Peugeot fait scandale quand le Canard enchaîné révèle qu’il gagne 36 fois le salaire d’un ouvrier de ses chaînes de production. Aujourd’hui, un patron du CAC40 gagne en moyenne… 277 Smic ! Quelles sociétés fabriquons-nous avec des inégalités salariales aussi abyssales ? Comment générer autre chose que du ressentiment, des fractures et du désespoir ? Peut-on considérer le sentiment d’injustice, de déclassement et la colère que provoque une société qui accepte que le PDG de Sanofi «pèse», en termes de salaires, 343 aides-soignantes ?

Oxfam dénonce la concentration extrême de richesses, aux mains d’une minorité d’hommes blancs, qui enferme des millions de personnes, surtout des femmes et des filles, dans la pauvreté et qui les prive de la possibilité de vivre dignement et de faire entendre leur voix. Car richesses non partagées signifie pouvoirs non partagés. Quand les inégalités extrêmes progressent, c’est la démocratie qui recule. Une vingtaine de pays dans le monde en font la démonstration, et en France, le mouvement des gilets jaunes et celui contre la réforme des retraites ne racontent pas autre chose.

Les inégalités sont le résultat de choix politiques et économiques. Chaque année, au Forum de Davos, Oxfam pointe la responsabilité des Etats dans l’aggravation d’un système économique injuste et sexiste et formule ses recommandations pour faire reculer les inégalités. En France, nous demandons aux grandes entreprises de publier les écarts de salaires par quartile, par pays et par genre pour rendre visibles les inégalités qui sont à l’œuvre en leur sein et sanctionner les entreprises ne respectant pas l’égalité salariale entre hommes et femmes. Une fois cette transparence mise en place, inscrivons dans la loi un écart maximal de 1 à 20 entre la rémunération la plus haute et la rémunération médiane de l’entreprise en nous inspirant de l’économie sociale et solidaire, où la plus haute rémunération est fixée à 10 Smic, et de la fonction publique qui a une échelle moyenne de 1 à 11.

Gageons que cette transparence rendra d’autant plus visible la précarité qui touche davantage les femmes, majoritaires dans les secteurs mal rémunérés – l’aide à la personne, la santé, le travail social, ou le nettoyage – où les salaires doivent être revalorisés. Les femmes sont aussi abonnées aux contrats précaires et à temps partiel représentant sur ces postes 78 % des emplois occupés, et sont touchées par le phénomène des travailleurs et travailleuses pauvres, alarmant en particulier chez les mères de familles monoparentales : parmi celles qui travaillent, plus d’une sur quatre est pauvre. Des inégalités qui se poursuivent à la retraite.

Enfin, pour faire reculer les inégalités salariales entre les femmes et les hommes, il faut allonger significativement la durée du congé paternité, mesure essentielle pour limiter les discriminations des femmes sur le marché du travail. L’Espagne est à 8 semaines, la Finlande va passer à 7 mois… la France ? Toujours 11 jours.

Pour aller plus loin participez au débat «Rémunérations, les inégalités mettent-elles en péril notre démocratie ?», organisé au siège de la rédaction de Libération mercredi 4 mars de 19h30 à 21 heures.