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Reportage

Israël, Palestine et Jordanie : et au milieu, coule une rivière...

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Le Jourdain subit le réchauffement climatique, la pression démographique, la pollution et les crises géopolitiques. Comment se gère l’eau, cette denrée précieuse? Reportage le long de ces rives sacrées, du lac de Tibériade à la mer Morte.
Le Jourdain près de Menahemia. A cet endroit, le fleuve de 251 kilomètres de long est une petite rivière qui sert de frontière entre la Jordanie et Israël. (JONAS OPPERSKALSKI pour LIbération)
publié le 26 juin 2020 à 9h54
(mis à jour le 26 juin 2020 à 10h57)

Le point le plus bas de la planète, la plus sacrée des terres, le plus insoluble des conflits. Et au milieu, coule une rivière, pour paraphraser Hollywood. «Le Jourdain est une petite rivière avec un marketing incroyable», lâche en riant Idan Greenbaum, kibboutznik à l’ancienne, homme plus pragmatique qu’à cheval sur la chose biblique.

«Quand on entend ce nom, on s'imagine quelque chose comme le Nil, le fleuve Amazone, continue le chef du conseil de la vallée du Jourdain, ou, comme il le résume concrètement, le "maire du lac de Tibériade". Mais quand on le voit de ses yeux aujourd'hui, on se dit que ce n'est rien du tout ce petit cours d'eau. Je doute que vous appelleriez ça une rivière en France.» Il n'en fut pas toujours ainsi.

Au début du XIXe siècle, Chateaubriand était resté transi devant ce «fleuve jaune, […] singulier objet» qui «roulait avec lenteur une onde épaissie». Un demi-siècle plus tard, l'aventurier américain William Francis Lynch, le premier à déterminer la profondeur de la mer Morte (400 mètres sous le niveau de la mer), descendit le Jourdain à travers «les torrents et les rapides effrayants», un de ses trois bateaux finissant pulvérisé contre les rochers par la force du courant. La rivière mythique, limite de la terre promise, refuge des messies, prophètes et zélotes, n'est pas qu'un vague souvenir de catéchisme.

C’est un écosystème bien réel, des pentes du mont Hermon, dans le Golan occupé, à la mer Morte, 50 kilomètres au sud, vital pour les Israéliens, Palestiniens et Jordaniens. Et surtout sensible, très sensible même à l’action de l’homme, du changement climatique aux soubresauts politiques, tout comme les deux célébrissimes étendues d’eau qu’il abreuve, le lac de Tibériade en amont et la mer Morte en aval. En un demi-siècle, le Jourdain est passé de rivière sacrée à frontière minée, désormais ressource menacée…