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Libération
Reportage

«Tous les ans, comme un rituel, l’orchestre se met en place»

Événementsdossier
Feulement de lynx, avertissement d’une vipère, galop du vent dans les épicéas… Boris Jollivet est audionaturaliste et capte les mille et uns sons de la nature.
(Stéphane Jayet)
publié le 29 juin 2020 à 10h40

Quand Boris Jollivet raconte ses plus beaux sons, on entendrait presque son regard pétiller. Le quadra, l’un des cinq audionaturalistes professionnels de France, s’émerveille toujours comme un gamin quand il fait écouter le «tac-tac-tac» rapide de la grande vrillette, un coléoptère xylophage à l’origine de sa vocation et des petits trous qui donnent leur âme aux vieux meubles. «La nuit, ado, je l’entendais taper. J’ai cherché d’où ça venait et j’ai vu une bestiole de deux ou trois millimètres qui mettait des coups de tête sur le bois, se souvient-il. Je rêvais de retrouver ce son. Trente ans plus tard, en revenant d’Asie, je suis entré ici dans le studio et je l’ai reconnu tout de suite. Un son ne s’oublie pas.»

Son studio? Un cocon douillet, aménagé dans l'ancien pressoir attenant à la maison familiale, sise dans un hameau des environs d'Amboise. Boris Jollivet glisse une bûche dans le poêle. Il nous livre au passage un secret de fabrication : ce même crépitement lui a servi pour Marche avec les loups, un magnifique documentaire de cinéma sorti en janvier, dont il signe la bande sonore. Puis l'homme s'installe devant ses écrans. Et partage ses mille et un trésors.

Un clic de souris, et voilà la pièce emplie de barrissements d'éléphants. Les trompes arrachent l'herbe, les lourdes pattes frappent le sol. «Je n'ai plus bougé, ils sont restés quasiment trois heures. C'était en pleine nuit, en 2011, dans le parc national camerounais de Boubandjida. A l'époque, ils étaient 500. Depuis, ils ont tous été massacrés.»

D'autres sons viennent nous caresser l'oreille, tout aussi émouvants mais infiniment plus heureux. Ils ne témoignent pas d'une disparition, mais d'un renouveau : celui du retour des castors sur la Loire, grâce à leur réintroduction dans les années 1970. «J'avais repéré un terrier hutte, bien ajouré, on y voyait une belle chambre. J'ai posé mes micros, la nuit, et j'ai attendu. J'ai un travail peinard, je suis toujours dans mon duvet !», rigole Boris Jollivet. Le résultat est merveilleux, saisissant, touchant. Nous voilà sous l'eau, au lever du jour, avec la maman castor. Nous la suivons jusqu'au terrier au moyen d'un hydrophone. Elle se secoue, émet un petit cri. Son petit quémande ; l'intonation ressemble à celle d'un bébé humain. On l'entend téter, suçoter… avant de distinguer des ronflements, ceux de la femelle.

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