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Agir pour le vivant : tribune

La rage de vivre

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On n’en veut plus de la grande maison, de la grosse voiture, des grands voyages. On n’en veut plus de la télévision au centre du salon...
(Mick Hunt/Photo Mick Hunt. Getty Images)
par Collectif de jeunes engagé.e.s
publié le 9 juillet 2020 à 14h12
(mis à jour le 9 juillet 2021 à 10h37)

Le 9 juin 2020, nous publiions cette tribune rédigée par un collectif de jeunes engagé(e)s. Un an plus tard, elle est toujours d’actualité...

Depuis qu’on est né·e·s, voilà ce qu’on nous rabâche, à nous les jeunes : fais de longues études, travaille, consomme, écoute ce qu’on te dit, sois efficace, méfie-toi des autres, n’exprime pas tes sentiments, consomme encore, et tu seras heureux·se. On nous dit d’aller en cours, de nous asseoir, d’écouter et d’apprendre par cœur. On nous dit de travailler devant un écran tous les jours de la semaine, parfois jusqu’à s’endormir dessus. On nous apprend à être en compétition, à ne pas faire confiance aux inconnu·e·s. On nous dit qu’il faut «savoir se vendre», qu’il faut se montrer «fort·e», qu’il faut se battre pour avoir un salaire décent. On nous dit que c’est comme ça, que c’est ça la vie.

Vraiment ? C’est ça vivre ? Ça a du sens cette vie ?

Pendant longtemps, on a intégré ce discours. On est né·e·s dedans, on en a été imprégné·e·s par notre éducation, notre socialisation et notre culture. La société tout entière s’est construite avec ces codes. Mais ce monde est devenu tellement absurde, le manque de sens tellement évident, les impacts sociaux et environnementaux tellement destructeurs, qu’on est de plus en plus à s’en rendre compte et cela saute aux yeux : il faut s’en détacher.

Alors aujourd’hui c’est fini : on refuse ces injonctions, et on refuse ce monde. Ça ne marche plus, on n’y croit plus. Ce monde-là n’a pas d’avenir et ne nous fait pas rêver, loin de là. On n’en veut plus ! On n’en veut plus des jobs vides de sens, des horaires absurdes, de la pression et de la hiérarchie. On n’en veut plus de la grande maison, de la grosse voiture, des grands voyages. On n’en veut plus de la télévision au centre du salon, des séries au cœur de nos vies. On ne veut plus de tout ça. Ce qu’on veut, c’est faire des choses qui ont du sens, qui touchent à notre essence. On veut se sentir vivants, être vivants. On veut être en bonne santé, bien entouré·e·s, ressentir et exprimer nos émotions, s’entraider, partager, s’apprendre. On veut vivre. Et on veut se battre pour que chacun.e ait ces possibilités.

On nous prend souvent pour des jeunes naïf·ve·s et utopiques, des jeunes colériques et pas constructif.ve.s. C'est trop facile. Il n'y a pas d'âge pour avoir des choses à dire, on ne manque pas d'expérience de la «vie réelle», non, au contraire : c'est parce qu'on n'a pas encore été bouffé·e·s par cette vie qu'on est si nombreux·ses à la rejeter. On nous dit qu'on est vulgaires, mais on parle avec nos cœurs, on en a marre du politiquement correct et des grandes phrases que nous servent les «puissants» prêts à tout pour maintenir leurs privilèges. On veut de la simplicité, de l'honnêteté et des émotions dans nos mots.

Oui, on est révolté·e·s et en colère, mais on a toutes les raisons de l’être. Ce n’est en aucun cas paralysant, bien au contraire, c’est plutôt le refoulement des émotions qui paralyse. Cette colère, elle nous porte, elle nous fait agir et changer des choses. Et puis on nous dit qu’on est rêveur·se·s mais on en a besoin de rêve ! On a besoin de récits vers lesquels tendre, qui nous portent et nous inspirent. Et surtout, on ne se contente pas de penser ces utopies et d’écrire des tribunes ; on essaie de les vivre, de les incarner au quotidien, et on se rend compte que oui, c’est possible. Agriculture, santé, éducation, politique, économie, biodiversité… Des milliers d’initiatives existent, non pas pour faire parfaitement, mais mieux, plus juste, plus enviable et plus viable que les solutions qu’on nous propose.

Parce qu’on n’y croit plus non plus, à ces fausses solutions. Au verdissement du monde politique et économique. Il n’y a aucun changement dans leur rapport à la nature, aucun changement dans leur rapport aux autres, à l’égalité, dans leur rapport à l’argent, au profit, à la consommation. Il n’y a aucun changement radical : allant à la racine des problèmes et faisant le lien entre toutes les crises. Aucun changement sur le sens de nos sociétés et de nos vies.

On ne croit plus en la politique telle qu’elle existe, mais on croit profondément en notre propre action politique. Parce qu’aujourd’hui, on veut reprendre ce qui nous revient de droit et qu’on a, par facilité, laissé nous échapper : la vraie politique, la vie dans la cité.

Alors aujourd’hui, on décide de faire nous-mêmes. On décide d’incarner le changement qu’on veut voir dans ce monde. On apprend à mieux se connaître, à trouver ce qui a du sens pour nous. On rejoint les milliers d’alternatives qui existent déjà, et on en crée des milliers d’autres. On quitte les grandes villes, on crée et rejoint des hameaux, des villages, des écolieux ; on adopte des modes de vie basés sur la simplicité, le partage et le collectif. On s’engage localement, on reprend notre pouvoir de décision, et on fait vivre une véritable démocratie.

On accueille celles et ceux qui n’ont pas nos possibilités et on les aide à s’autonomiser. On continue de résister, de militer et de désobéir lorsque la légalité n’est pas légitime. On s’entraide, on travaille, on met nos mains dans la terre, nos têtes dans cette nouvelle ère, nos cœurs ouverts. Ce n’est pas toujours simple bien sûr, mais on teste, on expérimente et on avance. On est encore et toujours révolté·e·s et tristes de tant de choses ; mais on apprend à accepter et comprendre ces émotions qui nous portent. Et on arrive à être pleinement heureux.ses, porté.e.s par cette joie intense que l’on trouve dans l’action, dans le partage, le collectif, dans l’amour et dans la connexion avec le vivant.

Voilà ce que c’est, d’être un.e jeune engagé·e en 2020 : on puise dans notre indignation, nos rêves  et notre joie de vivre pour se détourner d’un modèle obsolète et incarner et militer pour des modes de vies plus résilients, désirables et épanouissants. Notre monde d’après : ça y est il est là, pas dans dix, vingt ans, mais maintenant, sous nos yeux, sous nos actes.

Aujourd’hui, plus que jamais, on a la rage de résister, la rage d’aimer, et la rage de vivre. Aujourd’hui, on dévie, et on revit.

Liste des signataires 1. Corentin Consigny, Membre de la coordination nationale de Together For Earth, Hugo Viel, Utopiste réaliste, Louis Gaillard, Coordinateur Empowerment à CliMates, Donatien Dervillée, 2. Gabriel Tran, 3. Jason Dozier, responsable développement chez On est prêt, 4. Elisa Autric, militante écologiste 5. Alix Dardennes 6. Chloé Heulin 7. Lucie Vegrinne 8. Anne-Sophie Lahaye, coordinatrice de Notre Constitution écologique 9. Hugo Paul, membre de la coordination nationale de Together For Earth 10. Morgane Juliat 11. Ludovic Royer 12. Martial Breton, militant écologiste 13. Léa Lambert 14. Clara Gury 15. Laurie Benitsi 16. Samuel Tauleigne, coprésient de Together For Earth 17. Corentin Michel 18. Justin Péraud 19. Mathilde Boissier 20. Romain Olla, jeune militant engagé pour une métamorphose du système 21. Natacha Peraud 22. Louise Didion 23. Céleste Pastré 24. Esther Loiseleur, présidente des JAC – Jeunes ambassadeurs pour le climat 25. Vianney Morain 26. Célia Etard 27. Clément Grégoire, Vice-président du Refedd 28. Baptiste Blet 29. Ulysse Elise, Eco-Militat 30. Jeunes Ambassadeurs pour le Climat, association 31. Gaëlle Leloup 32. Pierre-Oliviert Chacun 33. Alexandre Flet, membre d’Avenir climatique 34. Alain Tord 35. Marguerite Gasztowtt 36. Quentin Bollaert 37. Benjamin Bressolette 38. Inès Do Nascimento 39. Théo Albert, Vice-champion de France d’aviron 4 – 2014 40. Nicolas Bertrand 41. Thomas Haden 42. Louis Fernier 43. Gauthier Buckard 44. Robin Hourcade 45. Mathieu Farges, bénévole 46. César Bouvet, chargé de Plaidoyer (Résilience) 47. Alix Leroux 48. Mathilde Jimenez, étudiante 49. Coline Serra 50. Clément Mongabure 51. Margot Verdier-Davioud 52. Clara Soumah-Valdman 53. Emma Fleury 54. Audrey Dufils, cofondatrice de fertîles 55. Marie Vacheret 56. Johan Reboul 57. Thomas Coudurier 58. Lila Olkinuora 59. Marie Gillet, membre du collectif Pour un Réveil écologique 60. Patrick Pecastaing, Ingénieur en Efficacité Énergétique 61. Tawanna Rocha Lima, activiste 62. Zoé Compoint 63. Cécile Choley 64. Claire Le Floch 65. Angèle Brichet, bénévole à Avenir Climatique 66. Rémi Rousselet, Engagé pour une transition écologique et démocratique 67. Timothé Bourdilleau 68. Simon Billy 69. Solène Viegas, Solitch 70. Nicolas Falempin 71. Baptiste Hedon 72. Lisa Duclos 73. Antoine Mestrallet 74. Justine Lecallier 75. Sarah Revel 76. Morgane Mangeon 77. Basile Fighiera 78. Meryam Ziani 79. Marjorie Léonhart 80. Louis Bakewell 81. Loïse Guidal, Perspective heureuse 82. Sophie Luciano 83. Simon Martinet 84. Agathe Gervais 85. Ulysse Vassas 86. Hédia Legay 87. Louise Rhodde 88. Alexis Verhassel 89. Robin Dumas 90. Eric Gonzalez 91. Jeanne Cubizolles 92. Marine Liautaud 93. Thibault Juillard 94. Perrine Zuber 95. Aneth Hembert, militante chez les Jeunes Ecologistes 96. Pierre Mallet 97. Meghanne Capron 98. Camille Paillassa 99. Bertrand Boullot 100. Emilie Fernandes 101. Manon Carrasco, La vraie vie en fait 102. Arnaud Vidal 103. Hugo Fis-Terrana 104. Margot Duvivier 105. Camille Cousin 106. Matthieu Rey, Maté 107. Adrien Micollet 108. Coralie Corberand 109. Chloé Soulier 110. Mathilde Oms 111. Lour Surreaux 112. Gleb Zubov 113. Julie Pasquet, présidente de Together For Earth.