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Grand Bivouac 2020, retour sur un week-end nomade

Le Grand Bivouac, festival du film-documentaire et du livre d'Albertvilledossier
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La XIXe édition du festival du documentaire et de l'aventure vient de s'achever à Albertville. «Libé» revient sur les étapes marquantes de ce voyage.
Au Grand Bivouac d'Albertville. Dessin d'enfant réalisé lors d'un atelier avec Simon. (Photo DR)
publié le 19 octobre 2020 à 14h48

«De nouveaux jours… On ne refera pas le monde d’un coup de baguette magique. Si de nouveaux jours doivent advenir, alors ce sera sur le temps long. Avec nous et par nous, dans l’affirmation de nos singularités mais surtout dans le renforcement de nos solidarités et de notre capacité à prendre en compte l’ensemble du vivant».

En présentant la XIXe édition du Grand Bivouac d'Albertville (dont Libération est partenaire), son président Guy Chaumereuil était une fois encore fidèle à la tradition humaniste du festival, à mille lieux du drame barbare qui se jouait à Conflans-Sainte-Honorine.

De la vallée des Ecrins aux savanes africaines, des hauts plateaux tibétains aux plaines maraîchères de Grèce, en passant par toutes les mégalopoles surpeuplées d’Afrique ou d’Amérique…, il fut donc beaucoup question d’humanité et de rencontres ; un thème décliné à travers les dizaines de débats, conférences et documentaires (présentés en salle ou à visionner chez soi) tout au long de ce long week-end savoyard bouleversé par la crise sanitaire.

Un optimisme assumé mais qui n’empêche pas de voir le monde tel qu’il est, comme le prouve le nombre grandissant de films pointant les dangers menaçant actuellement la biodiversité et le climat. Tour d’horizon.

«J'ai toujours pensé qu'il y avait un secret en haut des montagnes»… Depuis quelques années, Jean-Marc Rochette, dessinateur et peintre (ci-dessus) à la longue carrière, est revenu à sa passion de jeunesse : la montagne et le massif des Ecrins où il a grandi et où il vit désormais. Après la projection du film documentaire les Ecrins entre ciel et terre de David Rybojad et Baptiste Massaloux, on a donc écouté l'auteur d'Ailefroide et du Loup (son dernier album publié chez Casterman) dialoguer avec le guide Benjamin Ribeyre. Une déambulation poétique entre planches à dessin et sommets enneigés dans le cadre grandiose de ces vallées préservées. Lire également l'article consacré à Jean-Marc Rochette à la veille du festival ou écouter la belle interview réalisée sur RFI par Céline Develay-Mazurelle dans l'émission Si loin si proche.

Montagnes toujours mais à quelques milliers de kilomètres de là avec le réalisateur d'origine iranienne Hamid Sardar qui présentait Tibet, le chemin des vents, itinérance d'une nonne qui renonce à son couvent près de Lhassa pour s'en aller marcher, loin du carcan chinois, d'un monastère à l'autre, à la recherche du bouddhisme tibétain originel. Un étonnant périple.

Autre type de voyage, celui réalisé par la réalisatrice franco-coréenne Sung-A Yoon avec Overseas (photo ci-dessus). Dans cette académie destinée aux jeunes Philippines qui vont partir travailler à l'étranger comme employées de maison, on mime sans ménagement les situations qu'auront à affronter ces esclaves des temps modernes face aux exigences, harcèlements, humiliations, parfois même agressions de leurs futurs employeurs à Singapour, Dubaï, Beyrouth ou Hongkong. Un document glaçant, loin des clichés ou des a priori, qui a séduit les membres du jury du prix des médias du Grand Bivouac (1) qui lui ont accordé la palme de cette édition 2020. On avait parlé de ce superbe documentaire dans Libé à l'occasion de sa diffusion au printemps sur France 2.

Parmi la cinquantaine de films présentés, (le programmateur du festival, Antoine Laurent en avait visionné près de 400), on soulignera le savoureux Quand les tomates rencontrent Wagner de Marianna Economou, émouvante chronique d'une petite entreprise grecque cherchant sa place dans la mondialisation ; le documentaire de Muriel Barra (photo ci-dessus) issu de sa série «un Autre chemin», jolie rencontre dans le Mercantour avec Thibault, ermite des temps modernes, qui a su se recréer une vie connectée à la nature et aux éléments qui lui procurent son autonomie : la terre, l'eau, le vent et le soleil. Un choix de vie inspirant.

Autre film remarqué, Cholitas, l'aventure de cinq femmes, métisses et paysannes de Bolivie émigrées en ville qui, en tenues traditionnelles, partent à l'assaut de l'Aconcagua, le plus haut sommet de l'Amérique du Sud (Libé avait fait le voyage, lire notre reportage). Des rires et de l'énergie : le documentaire de Jaime Murciego et Pablo Iraburu a remporté le prix du public.

Le prix Ushuaïa TV a lui été attribué à Maïden d'Alex Holmes. Autre belle initiative du festival, confier à des détenus de la Maison d'arrêt de Chambéry et du Centre pénitentiaire d'Aiton le choix de primer des documentaires. Ces hommes qui, comme le confie l'un d'eux, ont l'habitude d'être jugés, ont inversé les rôles pour saluer À Mansourah, tu nous a séparé de Dorothée-Myriam Kellou et Angkar de Neary Adeline Hay.

Le sable, le vent, le vide. Dans l'immensité du désert, le long de cette route sans fin qui relie Alger à Tamanrasset. Malika, seule avec son chat et ses chiens, dans sa minuscule cabane de béton, relais des routiers et bikers. Un temps suspendu. Une ambiance à la Bagad Café, 143 rue du désert, de Hassen Ferhani méritait bien le Grand prix du festival.

Enfin, un dernier remerciement aux participant(e)s de notre concours sur le thème du voyage réservé aux moins de 30 ans. Nous avons cette année encore un beau palmarès, réalisé en partenariat avec le Grand Bivouac pour la deuxième année consécutive.

Dans la catégorie Textes, première place pour Thalsa-Thiziri Mekaouche avec «22 février !». Seconde place à «Regarde, regarde» de Lucille Testard de Marans. Troisième place pour «Emportée par la foule» de Morgane Bojuc. 

Dans la catégorie Carnets de voyage, deux dessinatrices sont sorties du lot : «Voyage en densité», de Justine Péronnet, superbe course-poursuite contre la montre et la série «Aquarelle de chine» de Jenniris Vinçonneau. Troisième place pour «Foule de souvenirs», d'Héloïse de Bouclans.

Le Grand Bivouac 2019 replie ses tentes. En attendant l'année prochaine et le vingtième anniversaire du festival, on poursuit sur le site nos chroniques nomades sur le voyage et l'aventure.

(1) Comme les années précédentes, pour juger les huit documentaires en lice, un panel de journalistes spécialistes des voyages : Juliette Barthaux (Ushuaïa TV), Céline Develay-Mazurelle (RFI), Fabrice Drouzy (

Libération

), Anthony Nicolazzi (

Trek Magazine

et

Grands Reportages

), Laurence Veuillen, qui a voté par correspondance (

le Dauphiné libéré

) et un nouveau venu, Ulysse Lefebvre (

Alpine Mag

).