La première, tailleur mauve et délicate mise en plis, traverse la salle du célèbre restaurant de Collonges-au-Mont-d'Or (Rhône), allant de convives en convives, la tête haute, naviguant entre les tables. Elle sourit. Elle n'a «rien à déclarer». La deuxième, ce n'est même pas la peine de frapper à sa porte : c'est non. La troisième aurait sans doute volontiers parlé. Mais si les deux premières ne veulent rien dire, elle ne voit pas de quel droit elle s'imposerait à être la seule à raconter.
Alors, c'est lui, le grand chef Paul Bocuse, 80 ans, qui, seul, parle de ses femmes. «Je suis du troisième âge», compte-t-il, bras croisés sur son tablier blanc, toque sur la tête, sourire en coin. «J'ai trois étoiles. J'ai eu trois pontages. Et j'ai toujours trois femmes.» Au retour de cette lourde opération au coeur, l'été 2005, il a décidé de rajouter quelques lignes au livre autobiographique qu'il était en train de terminer (1) : «Si je calcule le nombre d'années où j'ai été fidèle aux trois femmes qui ont compté dans ma vie, j'arrive à 135 ans de vie commune.» Ce n'est pas l'élégance qui l'étouffe, il le sait, ça le fait rire. Plus c'est gros, plus il rit. «Nous sommes de bons commerçants et il n'y a que ça qui se vend... Quatre lignes, ça suffit ; les journalistes arrivent, les gens achètent le livre. Et puis il y a eu ce Président... Vous voyez de qui je veux parler ? Enfin... je dis ça pour plaisanter.»
Ses trois femmes, en restant à ses côtés en toute connaissance de cause, font la