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Libération
Le portrait

Anne-Sophie Pic, étoile de mer

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publié le 21 février 2007 à 6h13

Elle file le long des couloirs, tête légèrement baissée, perdue dans ses pensées. Menue et décidée, le front large s’abandonnant en un triangle adouci, le nez en avant. Souris des villes, elle arbore l’air sérieux de celles qui savent où elles vont ; souris des champs, elle livre l’incertitude d’un sourire mutin.

Le Michelin se met du rouge aux joues : dans sa nouvelle édition (début mars), Anne-Sophie Pic sort décorée des trois macarons. Une reine du piano pour une couronne, du jamais vu ou presque. Référence toujours incontournable de la grande cuisine en sa cent septième année d'existence, le guide n'avait accroché sa Légion d'honneur qu'à une seule femme, la mère Brazier. C'était en 1933. Un autre monde, une autre histoire, une autre vie. Celle des fourneaux au charbon et des pains de glace déposés chaque matin à la porte. Celle aussi d'André Pic, grand-père d'Anne-Sophie, gloire de la gastronomie. Le temps des gratins d'écrevisses, des quenelles Nantua et tabliers de sapeur. Loin de la mousse de pommes de terre qui aère coques et Saint-Jacques, des huîtres au raifort ou du bar aux oignons doux qu'Anne-Sophie fait danser à Valence.

A la suite d'André Pic, son fils, Jacques, prit la relève. Une gueule de goûteur, un sacré tempérament sur un corps trop vaste. En 1972, parce qu'il ne se sentait pas prêt, il avait refusé les trois macarons au Michelin. Il a bien voulu les accepter l'année suivante. Dans cet entre-deux de la Drôme, plus vraiment terre lyonnaise et pas encore en