Parmi toutes les bonnes raisons de ne pas aimer Noël, le menu du réveillon nous semble la plus sensée. Quel être raisonnable voudrait marier, en un repas, coquillages, crustacés, canard, saumon, dinde – pour ne citer qu’eux? Qui se régale quand vient le moment de la bûche, crème au beurre ou glacée, avec son éternel champignon en meringue qui résume à lui seul tout le spleen des fêtes de fin d’année? Pourquoi le repas de Noël est-il si répétitif, onéreux, roboratif? Afin de comprendre cette hérésie gastronomique, chefs et sociologues reviennent sur les travers du réveillon, pour les corriger… ou les entériner.
Réveillonner, c’est s’empiffrer.
«Mais pas du tout!», s'indigne William Ledeuil, chef de Ze Kitchen Galerie, où il pratique un mariage réussi entre cuisine asiatique et tradition française. «J'ai envie de pouvoir remanger le lendemain. Le réveillon à la maison doit être comme un repas au restaurant: léger et inventif.» Plutôt qu'un chapon farci, Ledeuil préconise un menu exotique qui ne doit guère valoir plus de huit points au régime Weight Watchers: bouillon de coquillages en entrée, suivi d'un turbot rôti à la citronnelle et aux agrumes, et en dessert, des mangues rôties au jus de passion. Même son de cloche chez un ascète d'un genre différent, Patrice Gelbart, chef de Youpi & Voilà, sympathique enseigne du Xe arrondissement de Paris. Lui n'a rien contre le foie gras et le saumon, mais juge les associations classiques peu heureuses.