Le jour se lève sur le marché d'intérêt national de Nice. Un maraîcher debout depuis longtemps baille, puis aperçoit Christophe Dufau et sourit. Le chef connaît tout le monde. Il plaisante, fait la moue devant des loups à la prunelle défraîchie. «C'est pas pour toi», murmure un poissonnier. Le cuisinier grimpe sur des palettes, s'approche de daurades, vérifie la raideur, tâte du doigt leurs ventres. Le chef des Bacchanales (1) de Vence fait son marché, on l'accompagne pour faire connaissance, avant d'essayer de comprendre sa cuisine.
Un moment étonnant avait donné l’envie d’en savoir plus. C’était au printemps 2012, Dufau était aux Etats-Unis, son restaurant était fermé, mais son équipe avait proposé à un vigneron varois de profiter de la journée de congé pour cuisiner dans son cabanon au milieu des vignes, avant de partager le repas entre copains, en arrosant ça de vins nature. Ils étaient passionnés, investis, espagnols, danois, canadien, etc., et on était reparti de là en se disant que ce côté auberge espagnole trahissait forcément un chef particulier.
Après le marché, la voiture odorante est chargée de daurades, de haricots coco, de fleurs de courgette, de basilic, de céleris-raves, de noisettes du Piémont et de «raisin framboise», une variété pénible à dénicher, longtemps interdite car elle produit des vins qui ont la réputation de rendre fou. Ses petits grains noirs ont un goût étonnant de framboise et de litchi. Dans la même cagette, des barquettes de framboise