Ça nous a pris comme une envie de Milka à onze heures du soir quand on fait un détour par la cambuse d’Amar, l’épicier insomniaque du métro : fallait qu’on bouffe du hareng, du vrai, du gras, du long, du doré, du saur, du fumé, du grillé, du mariné. Alors l’autre matin, on s’est levé de bonne heure et on a mis le cap sur la Côte d’Opale, là où la légende dit que des troupeaux de harengs bouvards -poissons pleins avec les œufs (la rogue) ou la laitance- font friser la mer tellement ils sont nombreux et à la bourre entre octobre et novembre.
Z'êtes jamais allé là-bas, entre terre et mer, où ça sent la marée et le bois qui se consume quand on fume le hareng ? Alors chopez un train les aminches, choisissez un petit dur, un vrai, qui sent encore un peu l'Ajja froid des mutins de la clope aux chiottes et le sent-bon de souris. Un tortillard qui se trémousse, saccade et couine sur les aiguillages. Direction Etaples, une trentaine de bornes au sud de Boulogne-sur-Mer, 12 000 habitants, 350 marins-pêcheurs, 45 bateaux, un musée de la Marine, un centre de la découverte de la pêche en mer (1) et une «fête du hareng roi» à se rouler dans le goémon tellement ça chavire les papilles et l'humeur de milliers de pékins qui, pour trois euros, viennent se taper un hareng grillé, fumé ou mariné avec un morceau de pain et un verre de pif. C'est pas de la petite bière cette guindaille : vingt et un berges que ça dure, cette joyeuseté, sous l'impulsion des gars et des filles de l'association des «b