Il découpe délicatement un navet. Tend sur la lame de son couteau un morceau de chair blanche avec la peau. Et se plaît à guetter, avec malice, la réaction du novice, un peu sceptique à l’idée de croquer comme ça dans un légume cru. Il s’amuse des yeux ronds de celui qui découvre la saveur sucrée de ce kabu, une variété de navet japonaise. Sa chair juteuse, sa texture soyeuse et la touche légèrement piquante qui chatouille le palais.
Le Kabu, petit navet blanc. Photo Raphaël Dautigny
Asafumi Yamashita est un drôle de maraîcher. Dont le nom circule dans les cuisines des grands restaurants comme une légende, un truc d'initié. Impossible de le trouver à Rungis ou de débusquer son étal sur les marchés. Pour le rencontrer, il faut se rendre chez lui à Chapet, dans les Yvelines. Difficile de s'imaginer que sur cette parcelle de 2 500 m2 d'où on aperçoit les tours de la cité des Mureaux, dans cette zone pavillonnaire un peu paumée, se pressent les grands noms de la gastronomie. Car Asafumi Yamashita ne vend pas aux particuliers. Il réserve sa minuscule production à six chefs, pas un de plus, qu'il choisit lui-même. Sa sélection est une piste aux étoiles. Que des grands noms, que des grandes maisons. Eric Briffard, chef du Cinq (le restaurant du Georges V), Pierre Gagnaire, Pascal Barbot, William Ledeuil… En plus d'établir sa short-list, ce Japonais d'une soixantaine d'années fixe ses conditions. Son credo ? «Quand je veux, la quantité que je veux, au prix que je veux»,